Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée
235
DE POMPÉI

du jour, n’ayant autour d’elle que des étrangers pour guider ses pas, frappée dans les plus doux sentiments de son cœur, aimant sans espoir, sans autre espoir du moins que le rayon qui avait traversé son esprit, lorsque son imagination thessalienne s’était informée de la puissance des charmes et des dons de la magie.

La nature avait semé dans le cœur de cette pauvre fille des germes de vertu, qui n’étaient pas destinés à mûrir. Les leçons de l’adversité ne sont pas toujours salutaires ; quelquefois elles adoucissent et corrigent, quelquefois aussi elles gâtent et endurcissent l’âme. Lorsque nous nous voyons plus durement traités par le sort que les personnes qui sont autour de nous, et que nous ne trouvons pas dans nos actions les raisons de cette sévérité, nous ne sommes que trop portés à regarder le monde comme notre ennemi, à nous mettre en défiance visà-vis de tous, à nous révolter contre notre douceur naturelle, et à nous précipiter dans les plus sombres passions, si aisément excitées par le sentiment de l’injustice. Vendue comme esclave dès ses jeunes ans, condamnée à servir un maître sordide et d’un vil métier, ne changeant de situation que pour sentirparson amour un sort encore plus douloureux, Nydia avait vu les meilleurs sentiments dont son cœur était rempli se changer en amertume et en douleur. La conscience du juste et de l’injuste était pervertie par la passion qui s’était emparée d’elle ; et les émotions tragiques et fortes que nous rencontrons chez quelques femmes de l’antiquité, les Myrrha, les Médée, qui envahissaient, entraînaient une âme en proie à l’amour, grondaient et s’agitaient dans son cœur.

Le temps passa : Nydia, plongée encore dans ses tristes méditations, entendit un léger pas qui pénétrait dans la chambre où elle était.

« Ah ! remercions les dieux immortels, dit Julia, me voici de retour. J’ai quitté cette affreuse caverne. Viens, Nydia, partons au plus vite. »

À peine furent-elles assises dans la litière, que Julia reprit ainsi d’une voix émue :

« Oh ! quelle scène ! quelles terribles imprécations ! et la figure sépulcrale de cette sorcière !… mais ne parlons pas de cela. J’ai obtenu le breuvage… ses effets sont certains… ma rivale deviendra indifférente aux yeux de celui que j’aime, et seule, mais seule, je serai l’idole de Glaucus !

— De Glaucus ? s’écria Nydia.