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LES DERNIERS JOURS

Bacchus reposait à ses pieds, et il pressait sur sa bouche, de toute la force de son bras, une grappe de raisin qu’il paraissait prendre grand plaisir à dévorer.

« Je ne vois pas le magicien, » dit Julia en regardant autour d’elle.

Mais, comme elle parlait, l’Égyptien sortit d’un bosquet voisin, et une pâle lumière se refléta sur sa robe flottante.

« Salve, douce jeune fille ; mais qui donc est avec vous ? Nous ne devions pas avoir de compagnons !

— Ce n’est que la bouquetière aveugle, sage magicien, répondit Julia, Nydia, Thessalienne elle-même.

— Ah ! Nydia, reprit l’Égyptien, je la connais bien. »

Nydia recula en frissonnant.

« Tu es venue chez moi, je crois dit-il, en se rapprochant de l’oreille de Nydia ; tu sais quel serment tu as fait : silence et mystère ! Alors comme maintenant, souviens-toi de cela. Cependant, ajouta-t-il, comme en se parlant à lui-même, pourquoi se confier plus qu’il n’est nécessaire même à une aveugle ? Julia, as-tu donc peur de te remettre à ma garde ? le magicien est moins redoutable qu’il ne paraît l’être. »

Tout en parlant, il tira doucement Julia à part.

« La sorcière n’aime pas beaucoup à recevoir plusieurs visiteurs à la fois. Laissez Nydia ici jusqu’à notre retour, elle ne peut nous être d’aucune utilité. et s’il s’agit de protection. votre beauté suffit. votre beauté et votre rang.oui, Julia, je connais votre nom et votre naissance. Venez, confiez-vous à moi, belle rivale de la plus jeune des Naïades. »

L’orgueilleuse Julia n’était pas, comme nous l’avons vu, prompte à s’alarmer ; elle fut flattée des compliments d’Arbacès, et consentit à ne pas emmener Nydia, qui ne fit pas de difficultés de son côté pour rester. Au son de la voix de l’Égyptien, toutes les terreurs qu’il lui avait inspirées étaient revenues ; elle éprouva une sensation de plaisir en apprenant qu’elle ne serait pas du voyage dans cette fâcheuse compagnie.

Elle retourna à la maison des bains, et attendit leur retour dans une chambre particulière de l’établissement. Les pensées qui assaillirent la sauvage enfant, tout le temps qu’elle resta ainsi, immobile, dans son obscurité naturelle, furent amères et nombreuses ; elle songea à sa propre destinée, loin de sa terre natale, loin des doux soins qui avaient autrefois adouci les chagrins de son enfance, passagers comme les nuages d’une matinée d’avril ; elle songea qu’elle était privée de la lumière