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DE POMPÉI

Un service rendu à Arbacès doit t’apporter plus de bénéfice que mille divinations au moyen du crible et des ciseaux devant les villageois étonnés. »

En parlant ainsi, il jeta à terre une bourse pesante, qui résonna assez agréablement à l’oreille de la sorcière : car, tout en méprisant les jouissances du monde, elle aimait à savoir qu’elle pouvait se les procurer.

« Adieu, dit Arbacès, n’omets rien, et veille plus longtemps que les étoiles pour composer ton breuvage. Tu obtiendras le respect de tes sœurs, au rendez-vous du Marronnier[1], lorsque tu leur diras que ton ami et ton patron est l’Égyptien Hermès. »

Il ne demeura pas pour écouter les adieux et les remercîments de la sorcière ; il retourna d’un pas pressé dans une atmosphère plus pure, sous le ciel éclairé par la lune, et se hâta de descendre la montagne.

La magicienne, qui suivait ses pas du seuil, se tint longtemps à l’entrée de sa caverne, les yeux fixés sur l’hôte qui s’éloignait, et les rayons de l’astre nocturne, en tombant sur son corps simaigre et sursafigure d’outre-tombe, tandis.qu’elle était debout au milieu des rochers, lui donnaient tout à fait l’air d’une habitante du triste Orcus, qui, sur les portes formidables de l’enfer, aurait vu s’échapper, par le pouvoir de la magie, un compagnon qu’elle rappellerait en vain ou qu’elle demanderait à rejoindre. La sorcière rentra enfin dans sa caverne, ramassa la bourse bien remplie en soupirant, prit la lampe sur son piédestal, et passa dans la partie la plus reculée de son habitation ; elle entra dans un passage noir et rapide, qu’on n’apercevait que lorsqu’on en était tout près, et dont l’ouverture était cachée par des rochers aigus et saillants. Elle fit plusieurs pas dans ce passage obscur, comme si elle descendait dans les entrailles de la terre, et, soulevant une pierre, elle déposa son trésor dans un trou qui, révélant ses secrets à la lampe qu’elle portait, laissa voir des pièces de monnaie de différente valeur, arrachées par elle à la crédulité ou à la reconnaissance de ses visiteurs.

« J’aime à vous regarder, dit-elle en apostrophant les pièces qui composaient son trésor : car, lorsque je vous contemple, je sens mieux mon pouvoir. Oui, je suis puissante. J’aurai donc vingt ans encore à vous augmenter. Ô grand Hermès ! »

  1. Célèbre rendez-vous des sorciers, à Bénévent.