Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/237

Cette page n’a pas encore été corrigée
225
DE POMPÉI

qui n’était pas évidemment inconnu à la saga. Elle se hâta de se lever et se jeta aux pieds d’Arbacès.

« J’ai vu, dit-elle d’une voix excessivement humble, le seigneur de la Ceinture flamboyante… Qu’il reçoive mon hommage.

— Lève-toi, dit l’Égyptien, j’ai besoin de toi. »

Il s’assit en même temps sur la poutre où s’était assise Ione, et fit signe à la sorcière de reprendre son siège.

« Tu dis, reprit-il quand elle eut obéi, que tu es une fille des anciennes tribus étrusques[1], dont les vastes murs, bâtis sur le roc, contemplent aujourd’hui encore avec mépris la race des brigands usurpateurs de leur ancien empire. Ces tribus vinrent en partie de la Grèce, en partie d’un climat plus brûlant, d’une terre plus primitive. Dans l’un et l’autre cas, tu es d’origine égyptienne, car les maîtres grecs des ilotes aborigènes furent au nombre des enfants turbulents que le Nil rejeta de son sein. Tu descends également, ô saga ! d’ancêtres qui jurèrent obéissance aux miens. Par la naissance aussi bien que dans la connaissance de ton art, tu es sujette d’Arbacès. Écoute-moi donc et obéis ! »

La sorcière baissa la tête.

« Quelle que soit notre science en magie, dit Arbacès, nous sommes parfois obligés d’employer des moyens naturels pour atteindre notre but. L’anneau, le cristal, les cendres, les herbes[2], ne nous donnent pas des pronostics certains ; les mystères plus sublimes de lalune elle-même n’accordent pas au possesseur de la Ceinture le privilége de se dispenser de la nécessité de recourir à des mesures humaines pour parvenir à un but humain. Remarque donc ceci. Tu es profondément versée, je crois, dans la connaissance des herbes vénéneuses ; tu sais quelles sont celles qui arrêtent le cours de la vie, qui embrasent et consument l’âme et la tirent de force de sa citadelle, ou bien qui se glissent dans les canaux d’un jeune sang, et les épaississent de telle façon qu’aucun soleil ne peut fondre cette glace. Ai-je trop présumé de tes talents ? Réponds franchement.

— Puissant Hermès, cette science est en effet la mienne. Daigne regarder seulement ces traits pareils à ceux d’un fantôme, d’un vrai cadavre ; s’ils ont perdu les couleurs de l’exis-

  1. Les Étrusques étaient célèbres par leurs enchantements.
  2. La dactylomancie, la crystallomancie, la téphromancie, la botanomancie.