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DE POMPÉI


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CHAPITRE X.

Le seigneur de la Ceinture flamboyante, et sa confidente. — Le destin écrit sa prophétie en lettres rouges, mais qui pourra le lire ?


Arbacès avait attendu jusqu’au moment où la fin de l’orage lui permettrait d’aller, sous la protection de la nuit, trouver la saga du Vésuve. Porté par les plus fidèles de ses esclaves, ceux auxquels il avait l’habitude de se confier dans ses courses les plus secrètes, il était étendu dans sa litière ; il abandonnait son cœur ardent à des idées de vengeance heureuse et d’amour satisfait. Les esclaves, dans un si court voyage, ne marchaient pas beaucoup pluslentement que les mules. Arbacès ne tarda pas à arriver à l’entrée d’un étroit sentier que les amants n’avaient pas eu la bonne fortune de découvrir, et qui, serpentant à travers les vignes, conduisait promptement à l’habitation de la sorcière. Il quitta alors sa litière, et commandant à ses esclaves de la cacher dans les vignes et de s’y dérober eux-mêmes à la vue de tout promeneur, il monta seul, en s’aidant d’un long bâton, le rude et dur chemin des rochers.

Il ne tombait plus une goutte de pluie du ciel serein ; mais l’eau s’épanchait le long des vignes et formait çà et là des flaques dans les crevasses et dans les ornières du sentier rocailleux.

« Étrange passion pour un philosophe, pensa Arbacès, que celle qui fait lever un homme comme moi presque de son lit de mort, un homme accoutumé, même en santé, à toutes les jouissances du luxe, et qui le conduit dans une nocturne expédition semblable à celle-ci t mais l’amour et la vengeance, quand ils marchent à leur but, peuvent transformer le Tartare en Élysée. »

La lune, au haut des cieux, répandant une lumière claire et mélancolique sur la route du sombre voyageur, se réfléchissait dans chaque miroir d’eau auprès duquel il passait, ou dormait dans l’ombre sur les flancs de la montagne. Ilvit devant lui la même lumière qui avait guidé les pas des deux amants dont il voulait faire ses victimes ; mais, n’ayant plus pour contraste les sombres nuées de l’orage, elle paraissait moins rouge qu’elle ne leur avait paru.