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DE POMPÉI

du le mal pour le bien ; tu as frappé et peut-être tué l’être qui m’aimait et qui m’appartenait, bien plus, la créature consacrée entre toutes aux dieux, et que les hommes regardent comme vénérable[1] ; sache quelle punition t’attend. Par la Lune, qui est la protectrice de la magicienne, par Orcus, qui est le trésorier de la Colère, je te maudis. Tu es maudit. Puisse ton amour être flétri, ton nom être déshonoré… puissent les dieux infernaux te poursuivre… puisse ton cœur brûler à petit feu… puisse ta dernière heure te faire souvenir de la voix prophétique de la saga du Vésuve ! Et toi, ajouta-t-elle, en se retournant avec la même rage vers Ione, et en agitant sa main droite.

— Arrête, sorcière ! s’écria Glaucus en l’interrompant avec impétuosité. Tu m’as maudit, et je confie mon sort aux dieux. Je te brave et te méprise. Mais ne profère pas une parole contre cette jeune fille, ou la malédiction qui sortira de ta bouche sera ton dernier soupir. Prends garde !

— J’ai fini, reprit la sorcière avec un sauvage éclat de rire, car la destinée de la femme que tu aimes est attachée à la tienne, et ta destinée est d’autant plus certaine, que j’aientendu ses lèvres prononcer ton nom, et je sais par quelle parole te dévouer aux dieux infernaux. Glaucus, tu es maudit ! »

En parlant ainsi, la sorcière se détourna de l’Athénien, et s’agenouillant à côté du reptile blessé, qu’elle retira du foyer, elle ne releva plus les regards sur les assistants.

« Ô Glaucus ! s’écria Ione terrifiée, qu’avez-vous fait ? Sortons vite de ce lieu. L’orage a cessé… Bonne hôtesse, pardonne-lui… rétracte tes malédictions… il n’avait pas d’autre dessein que de se défendre… Accepte ce gage de paix pour revenir sur ce que tu as dit. »

Et Ione, en se baissant, déposa sa bourse sur les genoux de la sorcière.

« Dehors, dehors, dit-elle amèrement ; l’imprécation est lancée, les Parques seules peuvent dénouer un pareil nœud… —Viens, ma bien-aimée, dit Glaucus avec impatience… Penses-tu que les dieux du ciel ou des enfers écoutent le radotage d’une vieille folle ? Viens. »

Les échos de la caverne retentirent longtemps encore des éclats de rire de la saga. Elle ne fit pas d’autre réponse.

  1. Une idée toute particulière de sainteté était attachée par les Romains aux serpents, de même que chez les anciens peuples ; ils en avaient d’apprivoisés dans leurs maisons et ils les admettaient même à leur table.