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LES DERNIERS JOURS

flamme, et jetait une claire lumière dans cette demeure sinistre : jamais peut-être elle n’avait éclairé un groupe plus digne d’être reproduit par l’art du peintre. La jeune, la toute belle Ione, était assise près du foyer grossier ; son amant, qui avait déjà oublié la présence de la sorcière, était couché à ses pieds, les yeux tournés vers elle et lui murmurant de douces paroles ; l’esclave, pâle et effrayée, se. tenait à peu de distance, et la sorcière, au formidable aspect, les surveillait du regard. Cependant, ces deux êtres si beaux avaient repris leur sérénité (car tel est le pouvoir de l’amour). Ils paraissaient sans inquiétude, et on les aurait pris pour des êtres d’un ordre supérieur, descendus dans cette mystérieuse et sombre caverne. Le renard les contemplait de son coin, avec des yeux perçants et sauvages ; Glaucus, en se retournant vers la sorcière, aperçut pour la première fois, sur le siège qu’elle occupait, le regard étincelant et la tête courroucée d’un large serpent ; il se peut que les vives couleurs du manteau de l’Athénien, jeté sur les épaules d’Ione, eussent attiré la colère du reptile ; sa tête se dressa, il sembla se préparer à s’élancer sur la Napolitaine. Glaucus s’empara sur-le-champ d’un tison du foyer, et, comme si cette action augmentait la fureur du serpent, il sortit de sa retraite et se dressa sur sa queue jusqu’à la hauteur du Grec.

« Sorcière, s’écria Glaucus rappelle ce serpent à toi, ou tu vas le voir tomber mort.

— Il a été dépouillé de son venin, » dit la sorcière, réveillée par cette menace ; mais avant que ces paroles fussent échappées de ses lèvres, le serpent s’était élancé sur Glaucus. L’agile Grec, qui était sur ses gardes, se jeta précipitamment de côté, et frappa un coup si violent et avec tant d’adresse sur la tête du serpent, que l’animal tomba sans force, parmi les cendres brûlantes du foyer.

La sorcière bondit et se plaça en face de Glaucus, avec un visage qui aurait convenu à la plus horrible des Furies, tant il y avait de colère et de rancune dans son expression, quoiqu’elle conservât, même dans son horreur et dans son redoutable aspect, des contours et des traces de beauté. Elle n’offrait rien, en effet, comme nousl’avons dit, de cette laideur ridicule et grotesque dans laquelle les imaginations du Nord ont cherché la source de la terreur.

« Tu as, dit-elle d’une voix lente et ferme, qui contrastait par son calme avec l’expression de son visage, tu as trouvé un abri sous mon toit, tu t’es réchauffé à mon fuyer, tu m’as ren-