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DE POMPÉI

que dans peu vous vous haïrez l’un l’autre… vous vous haïrez… ha ! ha ! ha ! »

Cette fois, ce fut le tour d’Ione à prier pour détourner la funeste prophétie.

« Que les dieux empêchent ce malheur ! dit-elle ; pauvre vieille femme, tu connais peu le véritable amour, sans quoi tu saurais qu’il ne change jamais.

— N’ai-je pas été jeune, selon vous ? reprit vivement la vieille ; et ne suis-je pas maintenant vieille, hideuse, morte ? Telle est la forme, tel est le cœur. »

En prononçant ces mots, elle retomba dans un profond silence, comme si la vie eût cessé en elle.

« Y a-t-il longtemps que tu habites ici ? dit Glaucus après une pause, car ce silence effrayant était comme un poids sur son cœur.

— Oh ! oui, bien longtemps.

— C’est une lugubre demeure.

— Ah ! tu peux le dire avec raison ; l’enfer est sous nos pieds, répondit la sorcière en montrant la terre de son doigt osseux,’ et je veux bien te dire un secret. Les êtres ténébreux d’ici-bas vous menacent de leur colère, vous qui habitez là-haut… vous tous, jeunes, imprévoyants et beaux.

— Tu n’as que de mauvaises paroles, peu convenables à l’hospitalité, reprit Glaucus, et à l’avenir j’affronterai l’orage plutôt que ta présence.

— Tu feras bien. Nul ne devrait entrer chez moi, excepté les malheureux.

— Et pourquoi les malheureux ? demanda l’Athénien.

— Je suis la magicienne de la montagne, répliqua la sorcière avec un terrible sourire ; mon métier est de donner de l’espérance a qui n’en a plus ; j’ai des philtres pour les gens contrariés dans leurs amours ; des promesses de trésors pour les avaricieux ; des potions vengeresses pour les méchants ; pour les heureux et les bons, je n’ai que ce que la vie a elle-même, des malédictions. Ne me trouble pas davantage. »

Après cela, la terrible hôtesse de la caverne reprit son attitude silencieuse, sans que Glaucus pût l’engager dans une plus ample conversation. Aucune altération de ses traits rigides et immobiles n’indiquait même qu’elle l’entendît. Par bonheur, l’orage, aussi calme qu’il avait été violent, commençait à passer, la pluie tombait avec moins de force ; et, à mesure que les nuages se dissipaient, la lune se montrait dans le ciel en