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DE POMPÉI

fendre du soleil, divinité tutélaire de sa patrie, dont la pure lumière, inspiratrice de la poésie, de la joie et de l’amour, s’infiltrait dans ses veines, regardait avec ravissement la vaste étendue des eaux, en enviant peut-être chaque souffle qui prenait son vol vers les rivages de la Grèce.

— Dites-moi, Claudius, s’écria le Grec après un long silence, avez-vous jamais été amoureux ?

— Oui, très-souvent.

— Celui qui a souvent aimé, répondit le Grec, n’a jamais aimé : il n’y a qu’un Éros, quoiqu’il y ait beaucoup de contrefaçons de ce dieu.

— Les contrefaçons ont bien, après tout, leur mérite de petits dieux, répliqua Claudius.

— Je l’accorde, répondit le Grec, j’adore jusqu’à l’ombre de l’Amour ; mais, lui, je l’adore bien davantage.

— Êtes-vous donc sérieusement et véritablement amoureux ? Éprouvez-vous ce sentiment que les poëtes décrivent, un sentiment qui vous fait négliger vos repas, fuir le théâtre, et écrire des élégies ? Je ne l’aurais jamais soupçonné ! Vous savez bien dissimuler.

— Je ne suis pas si avancé que cela, reprit Glaucus en souriant ; je dis plutôt avec Tibulle :


Celui qui prend l’amour pour guide et pour appui,
Marche tranquille et sûr. Les dieux veillent sur lui.


En réalité, je ne suis pas amoureux, mais je le serais volontiers, si j’avais l’occasion de voir l’objet que je désire. Éros voudrait bien allumer sa torche ; mais les prêtres ne lui donnent pas d’huile.

— L’objet est aisé à deviner. N’est-ce pas la fille de Diomède ? Elle vous adore, et n’affecte pas de le cacher. Par Hercule, je le dis de nouveau, elle est à la fois jeune et riche ; les jambages des portes de son époux seront attachés avec des cordons d’or.

— Non, je ne veux pas me vendre. La fille de Diomède est belle, je l’avoue ; et, dans un temps, si elle n’avait pas été la petile-fille d’un affranchi, j’aurais pu… mais non, elle porte toute sa beauté sur son visage ; ses manières n’ont rien d’une vierge, et son esprit n’est cultivé que dans la science du plaisir.

— Vous êtes un ingrat. Dites-moi alors quelle est la vierge fortunée.

— Écoutez donc, Claudius. Il y a quelques mois, je séjour-