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LES DERNIERS JOURS

lia offensée de son silence ; garde-moi du moins le secret ; encore une fois adieu.

— Jeune fille, répliqua l’Égyptien d’un ton empressé et sérieux, ta requête m’a vivement touché… tes désirs seront satisfaits. Écoute-moi : je ne me suis pas occupé moi-même de ces mystères subalternes ; mais je connais une personne qui en fait sa profession. Au pied du Vésuve, à moins d’une lieue de la ville, habite une puissante magicienne ; elle a cueilli, sur la rosée de la nouvelle lune, des plantes qui possèdent la vertu d’enchaîner l’amour par des nœuds éternels. Son art peut faire tomber celui que tu aimes à tes pieds. Va la trouver, prononce devant elle le nom d’Arbacès ; elle redoute ce nom, et elle te communiquera ses philtres les plus certains.

— Hélas ! dit Julia, je ne connais pas la route qui conduit à la demeure de cette magicienne dont tu parles ; la route, quelque courte qu’elle soit, est longue à traverser pour une jeune fille qui quitte, à l’insu de tout le monde, la maison de son père ; la campagne est semée de vignes sauvages et de cavernes dangereuses ; je n’ose me fier à des étrangers pour me garder ; la réputation des femmes de mon rang est aisément ternie ; et, quoiqu’il m’importe peu qu’onsache que j’aime Glaucus, je ne voudrais pas qu’on crût que j’ai pu obtenir son amour au moyen d’un philtre.

— Trois jours encore, dit l’Égyptien en se levant pour essayer ses forces, et en marchant dans la chambre d’un pas faible et irrégulier, trois jours de santé, et je pourrais t’accompagner… tu m’attendras.

— Mais Glaucus va épouser cette Napolitaine que je hais.

— L’épouser ?

— Oui, dans les commencements du mois prochain.

— Sitôt ! en es-tu sûre ?

— Je le tiens de la bouche de son esclave.

— Cela ne sera pas, dit l’Égyptien avec force. Ne crains rien. Glaucus sera à toi. Mais lorsque tu auras obtenu le philtre, comment t’y prendras-tu pour t’en servir ?

— Mon père a invité Glaucus, et, je pense, la Napolitaine aussi à un banquet pour après-demain ; j’aurai l’occasion de verser le philtre dans sa coupe.

— Qu’il en soit ainsi, dit l’Égyptien, dont les yeux brillèrent d’une joie si sauvage que Julia éprouva quelque frayeur en le regardant. Demain soir, commande ta litière ; as-tu quelqu’un à tes ordres ?