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LES DERNIERS JOURS

l’émotion que ses paroles avaient causée. Julia se tut quelque temps ; mais son sein oppressé et ses yeux pleins de flamme auraient facilement appris à qui aurait eu d’autres yeux que ceux de Nydia, combien sa vanité était blessée.

« On prétend que tu es Thessalienne ? dit-elle, rompant enfin le silence.

— On dit vrai.

— La Thessalie est la terre de la magie et des magiciennes, des talismans et des philtres amoureux, reprit Julia.

— On l’a toujours, en effet, regardée comme le pays des nécromanciens, répondit Nydia timidement.

— Connais-tu, toi, aveugle thessalienne, quelque charme qui fasse aimer ?

— Moi ! répliqua la bouquetière en rougissant, comment en connaîtrais-je ?. Assurément non, je n’en connais pas.

— Tant pis pour toi ; je t’aurais donné assez d’or pour acheter ta liberté, si tu avais été plus savante.

— Mais, demanda Nydia, qu’est-ce qui peut engager la riche Julia à faire cette question à sa servante ? n’a-t-elle pas richesse, jeunesse, beauté ? Ne sont-ce pas là des philtres qui peuvent dispenser de recourir à la magie ?

— Pour tous, excepté pour une seule personne, reprit Julia d’un air hautain ; mais on dirait que ta cécité est contagieuse et… Mais n’importe !

— Et cette personne ? dit Nydia avec empressement.

Ce n’est pas Glaucus, répliqua Julia avec la fausseté habituelle de son sexe ; Glaucus… oh ! non. »

Nydia respira plus librement, et Julia poursuivit après une courte pause :

« Mais en parlant de Glaucus et de cette Napolitaine, tu m’as remis en mémoire l’influence des philtres amoureux, dont peut-être (que sais-je et que m’importe d’ailleurs ?) elle s’est servie pour se faire aimer de lui. Jeune aveugle, j’aime, et,… Julia peut-elle vivre et en faire l’aveu ?… je ne suis point aimée en retour. Cela humilie, ou plutôt cela irrite mon orgueil. Je voudrais voir cet ingrat à mes pieds, non pas pour l’en relever, mais pour lui marquer mes mépris. Quand on m’a dit que tu étais Thessalienne, j’ai pensé que ton jeune esprit pouvait avoir été initié aux mystères de ta contrée.

— Hélas ! non, murmura Nydia ; plût aux dieux que cela fût !

— Merci du moins pour ce bon souhait, dit Julia, sans se douter de ce qui se passait dans le cœur de la bouquetière.