Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/210

Cette page n’a pas encore été corrigée
198
LES DERNIERS JOURS

dans l’effort qu’il faisait pour le blâmer, sa voix se perdait dans les larmes.

« Ah ! reprit Lydon, si cette divinité (car je crois que vous n’en admettez qu’une) est aussi bienveillante, aussi compatissante que vous le dites, elle sait aussi que votre foi même m’a déterminé d’abord à prendre la résolution que vous blâmez.

— Comment ? que dis-tu ? s’écria l’esclave.

— Ne savez-vous pas que, vendu dans mon enfance comme esclave, j’ai été affranchi à Rome, par la volonté de mon maître, à qui j’avais eu le bonheur de plaire ? Je me hâtai d’accourir àPompéi pour vous voir. Je vous trouvai, déjà âgé et infirme, sous le joug d’un maître capricieux et opulent. Vous veniez d’adopter la foi nouvelle, et cette adoption vous rendait l’esclavage doublement pénible. Elle vous ôtait le charme solennel de l’habitude, qui quelquefois nous réconcilie avec les situations les plus dures. Ne vous êtes-vous pas plaint à moid’être condamné à des offices qui ne vous répugnaient pas comme esclave, mais que vous trouviez coupables comme Nazaréen ? Ne vous êtes-vous pas confessé à moi que votre âme éprouvait un remords, et frémissait lorsque vous étiez forcé de déposer même quelques miettes de gâteau devant les lares qui veillent sur l’impluvium ; que votre esprit ne cessait d’être tourmenté, et perpétuellement en lutte avec votre position ? Ne m’avez-vous pas dit qu’en répandant les libations sur le seuil, et en prononçant le nom de quelque divinité de la Grèce, vous craigniez d’attirer un jour sur-vous des peines plus affreuses que le supplice de Tantale, des tourments éternels plus redoutables que ceux de notre Tartare ? Ne m’avez-vous pas dit cela ? Je m’étonnais, je ne pouvais comprendre ; par Hercule, je n’y comprends encore rien : mais j’étais votre fils, et ma seule tâche était de vous plaindre et de vous soulager. Pouvais-je entendre vos gémissements, être témoin de vos mystérieuses terreurs, de vos constantes angoisses, et rester inactif ? Non, par les dieux immortels ! Une lumière m’éclaira comme si elle descendait de l’Olympe. Je n’avais pas d’argent, mais j’avais de la force, de la jeunesse… c’étaient làles dons que vous m’aviez faits… Je pouvais les engager pour vous. Je m’informai du prix de votre rançon… Je m’informai du prix que la victoire rapportait au gladiateur, et j’appris que je gagnerais de quoi payer deux fois votre liberté. Je devins gladiateur… Je me liai avec ces hommes maudits que je méprise et que j’exècre ; jefis des progrès