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LES DERNIERS JOURS

Se redressant detoute sa hauteur,
Entrer en scène aussi vaillant qu’Hercule !
La vie à peine en nos veines circule,
Et lapâleur vient couvrir notreteint,
Lorsqu’il saisit son rival et l’étreint !…
C’est un plaisir…


Chantant d’une voix claire et argentine cette chanson qui convenait si bien à une femme, et relevant sa tunique pour éviter la poussière, la jeune fille courut légèrement vers l’hôtellerie.

« Mon pauvre fils, dit l’esclave à demi-voix, est-ce pour de tels plaisirs que tu dois être immolé ! Ô foi du Christ ! je t’adorerais en toute sincérité, ne fût-ce qu’à cause de l’horreur que tu inspires pour ces jeux sanglants. »

La tête du vieillard s’inclina sur son sein d’un air d’abattement. Il demeura quelque temps silencieux et absorbé, mais de temps à autre il essuyait ses larmes avec le coin de sa manche. Soncœur était avec son fils : il nevit pas quelqu’un qui s’approchait de la porte en marchant vite, et d’un pas hardi et vigoureux. Il ne leva les yeux que lorsque la personne se plaça devant l’endroit où il était assis, et d’une voix tendre l’appela de ce doux nom : « Père ! »

« Mon fils, mon Lydon, est-ce bien toi ? s’écria le vieillard joyeux. Oh ! tu étais présent à ma pensée !

— J’en suis bien aise, mon père, dit le gladiateur en touchant avec respect les genoux et la barbe de l’esclave, et bientôt j’espère que je serai toujours présent pour toi, mais non plus en pensée.

— Oui, mon fils ; mais pas dans ce monde, répondit l’esclave tristement.

— Ne parlez pas ainsi, ô mon père ! soyez joyeux, car je le suis. J’ai la conviction que je serai vainqueur, et l’argent que j’aurai gagné achètera votre liberté. Ô mon père ! il y a peu de jours que j’ai été raillé par un homme que j’aurais eu plaisir à détromper, car il est plus généreux que le reste de ses pareils. Ce n’est pas un Romain : il est d’Athènes… Il m’a reproché l’amour du gain, lorsque je lui ai demandé quel serait le prix de la victoire… Hélas ! qu’il connaissait peu l’âme de Lydon !

— Pauvre enfant ! pauvre enfant ! » dit le vieillard en montant lentement les degrés et en conduisant son fils à la petite chambre qui communiquait avec la pièce d’entrée, le péristyle