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LES DERNIERS JOURS

l’éternelle enseigne de l’Échiquier[1]. Près du toit de l’auberge s’étendait une terrasse sur laquelle les femmes des fermiers dont nous venons de parler se tenaient, quelques-unes assises, quelques autres appuyées sur la balustrade, où elles conversaient avec les personnes d’en bas. Dans un profond enfoncement, à peu de distance, s’élevait un endroit couvert, où plusieurs voyageurs pauvres se reposaient et secouaient la poussière de leurs habits. De l’autre côté, un espace vide avait servi autrefois de cimetière aux habitants d’une ancienne ville située sur l’emplacement de Pompéi ; il était converti en Ustrinum, c’est-à-dire en un lieu où l’on brûlait les morts. Audessus, la terrasse d’une charmante maison de plaisance était à moitié cachée sous les arbres ; les tombes elles-mêmes, avec leurs formes variées et gracieuses, les fleurs et les feuillages qui les entouraient, n’apportaient dans ce paysage aucune mélancolie. Auprès de la porte de la ville, une espèce de guérite enfermait un factionnaire immobile dont le soleil faisait briller le casque poli non moins que la lance sur laquelle il s’appuyait. La porte était divisée en trois arches, celle du centre pour les voitures, et les deux autres pour les piétons, et des deux côtés se dressaient les remparts massifs qui entouraient la cité, remparts construits et réparés à deux époques différentes, selon que la guerre, le temps ou les tremblements de terre, avaient ébranlé cette vaine protection. À de fréquents intervalles, on voyait des tours carrées dont les sommets rompaient, dans leur pittoresque rudesse, la ligne régulière des remparts, et contrastaient avec les maisons modernes du voisinage, aux murs nouvellement blanchis. La route, qui formait plusieurs circuits dans la direction de Pompéi à Herculanum, se glissait à travers des vignes, au-dessus desquelles s’élançait le Vésuve majestueux.

« Sais-tu les nouvelles, Médon ? dit une jeune fille tenant une cruche à la main, et qui s’arrêta à causer un moment devant la porte de Diomède avec l’esclave, avant de se rendre à l’auberge pour y remplir sa cruche et se faire courtiser par les voyageurs.

— Les nouvelles ! quelles nouvelles ? dit l’esclave en levant ses yeux, qui étaient attachés à la terre.

— Ce matin a passé par la porte, sans doute avant que tu fusses bien éveillé, un illustre visiteur.

  1. Il y a une autre enseigne dans l’intérieur des murs, également ornée de ce signe.