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DE POMPÉI

Nydia, surprise, et après une courte pause, sans répondre à l’observation de Glaucus, parla ainsi :

« Est-ce que je ne mets pas trop de roses dans ta guirlande, Glaucus ? On dit que la rose est ta fleur favorite.

— Et la fleur favorite, ma Nydia, de tous ceux qui ont l’âme ouverte à la poésie ; c’est la fleur de l’amour, la fleur des festins. C’est aussi la fleur que nous consacrons au silence et à la mort ; elle couronne nos fronts pendant la vie, tant que la vie vaut la peine d’être possédée ; on la sème sur nos sépulcres quand nous ne sommes plus.

— Oh ! je voudrais bien, dit Nydia, au lieu de tresser cette périssable guirlande, dérober à la main des Parques la trame de tes jours, pour y glisser une rose !

— Charmante Nydia, ton vœu est digne de la voix qui chante des airs si délicieux ; c’est l’esprit de la Musique qui te l’inspire, et, quelle que soit ma destinée, je te remercie.

— Quelle que soit ta destinée ? N’est-elle pas la plus brillante, la plus belle de toutes ? Mon souhait est inutile : les Parques te seront aussi propices que je voudrais l’être moi-même.

— Il n’en serait pas ainsi, Nydia, sans l’amour. Tant que la jeunesse dure, je puis oublier par moments ma patrie ; mais quel Athénien, parvenu à l’âge mûr, peut penser à ce qu’était Athènes, et se contenter d’être heureux, lui, lorsqu’elle est déchue, déchue, hélas ! à jamais ?

— Et pourquoi à jamais ?

— De même que les cendres ne peuvent plus se rallumer, que l’amour, une fois qu’il est mort, ne peut revivre ; de même la liberté qu’un peuple a perdue ne se retrouve plus. Mais ne traitons pas ces questions-là, qui ne sont pas faites pour toi.

— Tu te trompes, elles sont faites pour moi. La Grèce a mes soupirs aussi : mon berceau a reposé au pied du mont Olympe ; les dieux ont délaissé la montagne, mais on y voit encore leurs traces ; elles se sont conservées dans le cœur de leurs adorateurs, dans la beauté du climat. On m’a dit qu’il était bien beau, et moi-même j’ai senti son air, auprès duquel l’air de ce pays est rude ; son soleil, auprès duquel celui-ci est froid. Oh ! parle-moi de la Grèce ! Pauvre insensée que je suis, je te comprends, et il me semble que, si j’étais demeurée sur ces rivages, si j’étais restée une fille grecque dont l’heureux destin eût été d’aimer et d’être