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LES DERNIERS JOURS

déchiré et secoué par le même vent qui ne fait que caresser les autres ; il n’a point de branche où se retenir ; il est poussé de sentier en sentier jusqu’à ce que le vent cesse, et le laisse là pour jamais perdu dans la fange.

L’enfance abandonnée de Nydia avait prématurément endurci son caractère ; peut-être les scènes odieuses de débauche au milieu desquelles elle s’étaittrouvée, avaient, sans souiller sapureté, mûri ses passions ; les orgies de Burbo n’avaient fait que la dégoûter, les banquets de l’Égyptien n’avaient fait que la terrifier ; mais les vents qui passent légèrement sur le sol laissent quelquefois des semences derrière eux. Comme l’obscurité favorise aussi l’imagination, peut-être la cécité même contribuait-elle à nourrir par de sombres et délirantes visions l’amour de l’infortunée. La voixdeGlaucus avait été la première à résonner harmonieusement à son oreille ; la bonté du jeuneAthénien avait fait une profonde impression sur elle. Lorsqu’il avait quitté Pompéi, dans les premiers temps, elle avait gardé dans son cœur, comme un trésor, chaque mot qu’elle lui avait entendu prononcer ; et quand on lui disait que cet ami, le patron de la pauvre bouquetière, était l’un des plus gracieux et des plus élégants jeunes hommes de Pompéi, elle mettait un complaisant orgueil à conserver ce souvenir. La tâche même qu’elle s’était imposée de soigner ses fleurs servait à le rappeler à son âme ; elle l’associait avec tout ce qui lui était le plus agréable ; et, lorsqu’elle avait refusé de dire quelle idée elle se formait de la beauté d’Ione, c’était peut-être parce qu’elle rapportait au seul Glaucus tout ce qu’il y avait de doux et de brillant dans la nature. Si quelqu’un de mes lecteurs a jamais aimé à un âge qu’il rougirait presque de se rappeler, à un âge où l’imagination devance la raison, qu’il dise si cet amour, au milieu de ses délicatesses étranges et compliquées, n’était pas, plus que toute autre passion venue plus tard, susceptible de jalousie. Je n’en cherche pas ici la cause : je constate seulement que c’est un fait ordinaire.

Lorsque Glaucus revint à Pompéi, Nydia avait un an de plus. Cette année, avec ses chagrins, sa solitude, ses épreuves, avait grandement développé son esprit et son cœur ; et lorsque l’Athénien la pressait en jouant contre son sein, croyant qu’elle était encore aussi enfant par l’âme que par l’âge, lorsqu’il baisait ses joues si douces ou jetait les bras autour de sa taille tremblante, Nydia sentait soudaine-