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DE POMPÉI


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CHAPITRE IV.

Le courant de l’amour poursuit sa route : où va-t-il ?


Les jours sont comme des années dans l’amour des jeunes gens, lorsqu’aucune barrière, aucun obstacle ne s’élève entre leurs cœurs, quand le soleil luit, que le cours de la vie est tranquille, lorsque leur passion enfin est prospère et avouée. Ione ne dérobait plus à Glaucus l’attachement qu’elle éprouvait pour lui, et toutes leurs conversations roulaient sur leur tendresse réciproque. Leurs espérances pour l’avenir se reflétaient sur leur bonheur actuel, comme le ciel sur les jardins du printemps. Ils descendaient le fleuve du temps, pleins de confiance ; ils arrangeaient en idée leur destinée à venir ; ils se plaisaient à répandre sur le lendemain la lumière du jour présent. Peut-être ne s’aimaient-ils que mieux, parce que la situation du monde ne permettait pas à Glaucus d’autre but, d’autre désir que l’amour ; parce que les distractions qui, dans les pays libres, détournent l’affection des hommes, n’existaient pas pour l’Athénien ; parce que son pays ne lui commandait pas de se mêler à la vie civile ; parce que l’ambition n’offrait point chez lui de contre-poids à l’amour. En conséquence, l’amour régnait dans tous leurs projets, dans tous leurs plans : au milieu de l’âge de fer, ils s’imaginaient être dans l’âge d’or, destinés uniquement à vivre et à s’aimer.

L’observateur impassible qui ne s’intéresse qu’à des caractères fortementmarqués et hautement colorés, trouvera peut-être que ces deux amants sont jetés dans un moule trop commun ; le lecteur croit parfois voir un manque de vigueur dans la peinture de caractères adoucis exprès ; peut-être aussi leur fais-jetort en ne rehaussant pasassez leur individualité. Mais en appuyantsi fort surleur existence brillante et semblable à celle des oiseaux, je subis peut-être involontairement l’influence de la connaissance que j’ai des changements qu’ils ont éprouvés, et auxquels ils sont si mal préparés. Cette douceur même et cette gaieté de la vie ne font à mes yeux que contraster davantage avec les vicissitudes qui vont survenir. Pour le chêne privé de fleurs et de fruits, et dont le tronc dur et vigoureux