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DE POMPÉI

thus, avez-vous été heureux ? Votre cœur a-til éprouvé quelque contentement sous votre robe de prêtre ? Avez-vous, dévoré du désir d’entendre la voix de Dieu, surpris quelques-uns de ses oracles dans ceux du temple d’Isis ? Votre soupir, et ce morne maintien, semblent répondre d’avance à ma derrière prédiction.

— Hélas ! répondit Apœcides avec tristesse, vous voyez devant vous un homme misérable et désespéré. Dès mon enfance, j’ai divinisé le rêve de la vertu ; j’ai envié le sort des hommes qui, dans les cavernes et dans les temples solitaires, ont été admis à pénétrer les secrets des êtres supérieurs à ce monde ; mes jours se sont consumés en de vagues et de fiévreux désirs, mes nuits au milieu de décevantes mais solennelles visions. Séduit par les mystiques prophéties d’un imposteur, j’ai revêtu cette robe ; ma nature (je vous l’avoue franchement), ma nature s’est révoltée de toutes les choses que j’ai vues, et auxquelles il m’afallu participer. Cherchant la vérité, je n’ai été que le ministre du mensonge. Le dernier soir où nous nous sommes vus, j’étais tout ébloui des espérances qu’avait fait luire à mes yeux l’imposteur, que j’aurais dû déjà mieux connaître. J’ai. n’importe, n’importe, il suffit de dire que j’ai ajouté le parjure et la faute à l’imprudence et au regret ; le voile est tombé maintenant ; je ne vois plus qu’un misérable où j’avais cru voir un demi-dieu. La terre s’obscurcit pour moi ; je suis tombé au plus profond de l’abîme ; je ne sais plus s’il existe des dieux au-dessus de nous, si nous ne sommes pas les enfants du hasard, si au delà de ce présent triste et limité il n’y a plus que le néant, ou s’il est un autre monde ; dites-moi donc, dites-moi quelle est votre croyance. Résolvez mes doutes, si vous en avez le pouvoir.

— Je ne m’étonne pas, répondit le Nazaréen, que vous ayez erré de la sorte et que vous en soyez venu à ce degré d’incertitude. Il y a quatre-vingts ans que l’homme n’avait encore aucune assurance de Dieu, ni d’un avenir certain et défini au delà du tombeau. De nouvelles lois ont été déclarées à ceux qui ont des oreilles ; un ciel, un véritable Olympe, est révélé à celui qui a des yeux. Écoutez-moi donc, prêtez-moi toute votre attention. »

Et, avec tout le zèle d’un homme fermement convaincu et jaloux de convertir son prochain, le Nazaréen communiqua à Apœcides les promesses de l’Écriture sainte. Il parla d’abord des souffrances et des miracles du Christ ; il pleurait en par-