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LES DERNIERS JOURS

nous ne nous ressemblons même pas autant qu’une personne qui est belle peut ressembler à une personne qui ne l’est pas. Les cheveux d’Ione sont noirs, les miens blonds. Les yeux d’Ione sont. De quelle couleur sont vos yeux, Ione ? je ne puis bien les voir ; tournez-les de mon côté. Oh ! ils sont noirs ; non, ils sont trop doux. Sont-ils bleus ? Non, leur couleur est trop profonde : ils varient à chaque rayon de soleil ; je ne puis saisir leur couleur. Mais les miens, douce Nydia, les miens sont gris, et brillants seulement lorsque Ione les regarde… La joue d’Ione est…

— Je ne comprends pas un mot de votre description, interrompit Nydia avec amertume ; tout ce que je comprends, c’est que vous ne vous ressemblez pas, et j’en suis contente.

— Pourquoi cela, Nydia ? » demanda Ione.

Nydia rougit légèrement, puis elle répondit froidement :

« Parce que mon imagination vous a toujours vus l’un et l’autre sous des formes différentes, et l’on tient à savoir si l’on a raison.

— Et à quoi as-tu imaginé que Glaucus ressemblait ? dit Ione.

— À la musique, répliqua Nydia en baissant la tête.

— Comparaison juste, Nydia murmura Ione.

— Et quelle ressemblance donnes-tu à Ione ?

— Je ne puis le dire, je ne la connais pas encore assez pour me faire une idée de sa personne.

— Je te le dirai donc, reprit Glaucus avec passion : elle ressemble au soleil qui réchauffe, à la vague qui rafraîchit.

— Le soleil brûle quelquefois et la vague engloutit, répondit Nydia.

— Prends donc ces roses, dit Glaucus, et que leur parfum t’offre une image d’Ione.

— Hélas ! les roses se fanent, » ajouta la Napolitaine avec malice.

En conversant ainsi, ils laissaient s’écouler les heures : les amants, tout pleins du sourire et des joies de l’amour ; la jeune aveugle, livrée dans son obscurité à toutes les tortures du cœur, aux cruelles angoisses de la jalousie et à sa fatalité !

Et tandis qu’ils voguaient, Glaucus reprit sa lyre et en toucha légèrement les cordes d’une main caressante, préludant à une mélodie si joyeuse et si belle, que Nydia, tirée de sa rêverie, jeta un cri d’admiration.