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DE POMPÉI

— Cependant je le croyais tel, ma jolie Nydia, reprit Glaucus, lorsque j’ai pris ta lyre ; peut-être le bonheur ne nous permet-il pas la gaieté !

— Qu’il est étrange, dit Ione en changeant le sujet d’une conversation qui lui oppressait le cœur tout en la charmant, que depuis plusieurs jours ce nuage n’ait pas quitté le sommet du Vésuve ! non pas pourtant qu’il soit immobile, car il change quelquefois de forme ; et maintenant on dirait d’un géant qui étend les bras sur la cité. N’a-t-il pas cette ressemblance, ou n’est-ce qu’un effet de mon imagiation ?


— Belle Ione, il a cette apparence en effet très-distincte. Ce géant semble assis sur le haut de la montagne ; les ombres diverses des nuages lui forment une robe blanche qui enveloppe son vaste sein et ses membres. Il a l’air de regarder la ville d’un œil fixe, en montrant d’une main, comme vous le dites, ses brillantes rues, et levant l’autre (ne le remarquez-vous pas ?) vers le ciel. Il ressemble, en vérité, au fantôme de quelque colossal Titan qui réfléchit douloureusement sur le monde délicieux qu’il a perdu, avec le regret du passé et la menace pour l’avenir.

— Cette montagne n’aurait-elle pas quelque rapport avec le tremblement de terre d’hier ? On dit qu’autrefois, aux temps les plus reculés de la tradition, elle vomissait des feux comme l’Etna. Peut-être a-t-elle encore un ardent foyer dans son sein.

— Cela est bien possible, dit Glaucus d’un air rêveur.

— Vous prétendiez que vous ne croyiez pas à la magie, s’écria tout à coup Nydia. J’ai entendu dire qu’une magicienne puissante habite les cavernes brûlées de la montagne, et ce nuage n’est peut-être que l’ombre du démon qui confère avec elle.

— Tu as l’esprit tout plein des contes fantastiques de ta Thessalie, ta contrée natale, reprit Glaucus. Il y a en toi un singulier mélange d’idées raisonnables et de superstitions.

— On est toujours superstitieux dans l’obscurité, répliqua Nydia. Dites-moi, ajouta-t-elle après un court intervalle, dites-moi, Glaucus, toutes les choses qui sont belles se resemblent-elles ? On assure que vous êtes beau, qu’Ione est belle : vous ressemblez-vous ? je ne le crois pas ; et pourtant cela devrait être.

— Ne fais pas ce tort à Ione, répondit Glaucus en riant ;