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LES DERNIERS JOURS

suscite les morts, qui ranime la poussière des tombes ou bliées, n’est pas dans l’habileté de l’auteur, mais dans l’âne du lecteur.

Cherchant toujours les yeux d’Ione à moitié baissés, moitié détournés en évitant les siens, l’Athénien, d’une voi douce et lente, exprima ainsi des sentiments inspirés par de pensées plus heureuses que celles qui avaient donné leur couleurs à la chanson de Nydia.


LE CHANT DE GLAUCUS.

Vois la barque flotter sur cette mer dorée,
Ainsi flotte mon cœur sur mon profond amour ;
Ton visage céleste, ô ma belle adorée,
Ton visage est pour moi la lumière du jour.
Mon cœur, à ton désir, ou s’élève ou s’abaisse ;
C’est toi seule qui fais ou sa joie ou ses maux.
Sur l’océan de ma jeunesse,
Tes yeux brillent, astres jumeaux[1] !

La barque peut sombrer, prise par la tempête:
Mon cœur aussi redoute un orage soudain.
Tout sourit à présent; la nature est en fête:
Mais quel trouble infini produirait ton dédain !
Il vaudrait mieux mourir dans ce jour plein de charmes,
Si le temps me réserve un changement affreux;
Si tu dois me coûter des larmes,
Que je meure du moins heureux !


Comme les derniers mots tremblaient encore sur les vagues, Ione leva les yeux : ils rencontrèrent les yeux de son amant. Heureuse Nydia ! heureuse dans ton affliction, de n’avoir pu voir ce regard rempli de douceur et de fascination, qui disait tant de choses, qui donnait aux yeux la voix de l’âme, qui promettait une constance éternelle, l’impossibilité du changement !


Mais, quoique la Thessalienne n’aperçût point ce regard, elle le devina par leur silence et par leurs soupirs. Elle pressa ses mains sur son sein pour étouffer ses pensées amères et jalouses, et se hâta de parler, car le silence était intolérable pour elle.

« Après tout, dit-elle, Glaucus, il n’y a rien de bien gai dans votre chant.

  1. Allusion aux Dioscures, ou les Gémeaux, divinités.