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LES DERNIERS JOURS

presque surnaturelle qu’on éprouve en présence d’une personne privée de la raison, de celles qui, ayant une vie extérieure comme la nôtre, ont de plus une vie intérieure différente, inexplicable, impossible à saisir.

— Vous voulez donc un chant d’amour ? dit-elle en fixant ses yeux sur Glaucus.

— Oui, » répliqua-t-il en baissant les yeux.

Nydia éloigna le bras d’Ione qui était encore autour d’elle comme si cette douce étreinte la gênait ; et, plaçant son lége et gracieux instrument sur ses genoux, elle chanta, après un court prélude, la chanson suivante :



LA CHANSON D’AMOUR DE NYDIA.

Le vent et le rayon aimaient tous deux la rose,
Epris de son éclat vermeil ;
Mais qui chérit le vent, amant jaloux, morose ?
La fleur n’aimait que le soleil.

Personne ne savait vers quels lointains rivages
L’aile du vent allait frémir ;
Personne, dans la voix des plus simples orages,
N’entendait une âme gémir.

Heureux rayon, tu vois, à la moindre caresse,
L’amour doucement s’éveiller :
Ta clarté te suffit ; pour prouver ta tendresse,
Tu n’as qu’à paraître et briller.

Comment le vent peut-il révéler sa souffrance ?
L’effroi partout suit son soupir.
Pour prouver son amour, amour sans espérance,
Il ne lui reste qu’à mourir.


« Ton chant est triste, douce enfant, dit Glaucus ; ta jeunesse ne sent encore que l’ombre de l’amour ; il éveille en nous bien d’autres inspirations lorsqu’il éclate et nous illumine.

— Je chante ce qu’on m’a appris, répliqua Nydia en soupirant.

— Ton maître était alors malheureux en amour ; essaye quelque chose de plus gai, ou plutôt, mon enfant, donne-moi l’instrument. »

Nydia obéit, et sa main rencontra celle de Glaucus. À ce léger toucher, son sein s’agita et sa joue se couvrit de rou-