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DE POMPÉI

dont la sacrilége audace profane ton sanctuaire et attaque tes serviteurs ! »

À ces paroles, les traits jusqu’alors immobiles de la figure parurent s’animer ; à travers le marbre nu, comme à travers un voile, courut une lumière rouge et brûlante. Autour de la tête des éclairs livides se jouèrent, et ses yeux, étincelants comme des globes de feu, se fixèrent avec une expression d’indicible colère sur le Grec. Étonné, épouvanté par cette soudaine et prodigieuse réponse qu’obtenait la prière de son ennemi, Glaucus, qui n’était pas exempt des superstitions héréditaires de sa race, pâlit ; en présence de cette subite animation du marbre, ses genoux s’entre-choquèrent… il demeura saisi d’une terreur religieuse, confus, éperdu, sans forces devant son adversaire. Arbacès ne lui laissa pas le temps de se remettre de sa frayeur.

« Meurs, misérable ! s’écria-t-il, d’une voix de tonnerre, en s’élançant sur le Grec. La puissante mère te réclame comme un vivant sacrifice !

» Attaqué ainsi, dans le premier moment de la consternation causée par sa crainte superstitieuse, le Grec perdit son équilibre ; le pavé de marbre était uni comme une glace, il glissa, il tomba. Arbacès mit le pied sur le sein de son adversaire abattu. Apœcides, à qui sa profession sacrée, non moins que sa connaissance du caractère d’Arbacès, avaient appris à se méfier de ces miraculeuses intercessions, n’avait pas partagé l’effroi de son compagnon. Il se précipita en agitant son poignard ; mais l’Égyptien, sur ses gardes, arrêta son bras et arracha vigoureusement l’arme de la faible main du prêtre, qu’il renversa en même temps à ses pieds : il brandit à son tour le poignard avec la joie du triomphe. Glaucus considérait le sort qui lui était réservé d’un air froid, avec la résignation dédaigneuse d’un gladiateur vaincu, lorsque, en cet instant décisif, le pavé frémit sous eux d’une façon convulsive et rapide ; un Esprit plus puissant que celui de l’Égyptien était déchaîné… un pouvoir gigantesque devant lequel s’effaçaient sa passion et ses artifices. Il s’éveillait, il se déclarait, l’affreux démon des tremblements de terre, se riant à la fois des ruses de la magie et de la malice des colères humaines. Semblable au Titan sur qui sont accumulées des montagnes, il se réveillait du sommeil des ans, se mouvait sur sa couche d’angoisses, pendant que les cavernes poussaient des gémissements et s’agitaient sous le mouvement de ses membres. Au