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LES DERNIERS JOURS

En parlant ainsi, il serra fortement Ione contre son sein, et dans ce terrible embrassement il y avait autant de haine que d’amour. Le désespoir donna à Ioneune force surnaturelle ; elle se délivra encore de son étreinte et courut vers l’endroit de la chambre par lequel elle était entrée : elle en souleva le rideau, mais elle se sentit ressaisie par Arbacès. Elle s’échappa encore ; puis tomba épuisée, en jetant un grand cri, au pied de la colonne qui supportait la tête de la déesse égyptienne. Arbacès s’arrêta comme pour reprendre haleine, avant de se précipiter de nouveau sur sa proie.

En ce moment le rideau fut tiré violemment, et l’Égyptien sentit une main forte et exaspérée se poser sur son épaule ; il se retourna et vit derrière lui les yeux flamboyants de Glaucus et la pâle, morne, mais menaçante figure d’Apœcides.

« Ah ! s’écria-t-il en les regardant l’un et l’autre, quelle furie vous a envoyés ici ?

Até, » répondit Glaucus ; et il essaya aussitôt de renverser l’Égyptien.

Pendant ce temps-là, Apœcides relevait sa sœur, demeurée sans connaissance ; mais ses forces épuisées par les longs labeurs de la pensée ne lui suffirent pas pour l’emporter, toute légère et délicate qu’elle était ; il la posa sur le lit, et se plaça devant elle un poignard à la main, épiant la lutte de Glaucus et de l’Égyptien, et prêt à plonger son arme dans le sein d’Arbacès, s’il obtenait l’avantage sur son rival. Il n’y a peut-être rien de plus terrible sur la terre que le combat de deux êtres qui n’ont d’autres armes que celles que la nature peut donner à la rage. Les deux antagonistes se tenaient étroitement embrassés, les mains de chacun d’eux cherchant la gorge de son ennemi, le visage en arrière… Les yeux pleins de flammes… les muscles roidis… les veines gonflées… les lèvres entr’ouvertes… les dents serrées, ils étaient doués l’un et l’autre d’une force extraordinaire et d’une haine égale ; ils s’étreignaient, se tordaient, se déchiraient, se poussaient çà et là dans leur étroite arène ; jetaient des cris de rage et de vengeance ; tantôt devant l’autel, tantôt au piedde la colonne où la lutte avait commencé ; ils se séparèrent pour respirer, Arbacès s’appuyant contre la colonne, Glaucus un peu plus loin.

« Ô déesse antique ! s’écria Arbacès en levant les yeux vers l’image sacrée qu’elle supportait ; protège ton élu, proclame ta vengeance contre le disciple d’une religion née après la tienne,