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DE POMPÉI

trouve pas honorée de votre hommage… Mais… répondez-moi… pouvez-vous m’écouter avec calme ?

— Oui, tes paroles dussent-elles être la foudre et m’écraser.

J’en aime un autre, dit Ione en rougissant, mais d’une voix assurée.

— Par les dieux, par les enfers, s’écria Arbacès en se relevant de toute sa hauteur, ne me parle pas ainsi… ne te joue pas de moi… c’est impossible… Qui as-tu vu ? qui as-tu connu ?… Oh ! Ione, c’est un artifice de femme !… Oui, une ruse féminine. Tu veux gagner du temps… Je t’ai surprise, tu as eu peur. Fais de moi ce que tu voudras, dismoi que tu ne m’aimes pas ; mais ne me dis pas que tu en aimes un autre.

— Hélas ! » soupira Ione, et, effrayée de cette violence soudaine et inattendue, elle fondit en larmes.

Arbacès se rapprocha d’elle. son haleine brûlante effleurait les joues d’Ione… Il la saisitdans ses bras. Elle se déroba à son étreinte… Dans cette lutte, des tablettes s’échappèrent de son sein sur le pavé… Arbacès les aperçut et s’en empara… C’était la lettre qu’elle avait reçue le matin même de Glaucus… Ione tomba sur le lit, à moitié morte.

Les yeux d’Arbacès parcoururent rapidement l’écrit ; la Napolitaine n’osait lever les yeux sur lui : elle n’aperçut pas la pâleur terrible qui se répandit sur sa figure. elle ne remarqua pas le froncement de ses sourcils, ni le tremblement de ses lèvres, ni les convulsions de sa poitrine. Il lut la lettre tout entière, et puis, la laissant glisser de sa main, il dit avec un calme décevant :

« Est-ce l’auteur de cette lettre que tu aimes ? »

Ione soupira et ne répondit pas.

« Parle. » Et ce fut un cri plutôt qu’une parole.

— C’est lui, c’est lui.

— Et son nom… est écrit ici… Son nom est Glaucus ? »

Ione joignit les mains et regarda autour d’elle, comme pour chercher du secours ou un moyen de fuir.

« Écoute-moi, dit Arbacès à voix basse, avec une sorte de murmure. Tu iras à la tombe plutôt que dans ses bras. Quoi ! te figures-tu qu’Arbacès souffrira pour rival ce faible Grec ? Quoi ! penses-tu qu’il aura laissé mûrir le fruit pour le céder à un autre ? non, belle insensée ! tu m’appartiens, à moi, à moi seul… Je te saisis et je te prends, voilà mes droits. »