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LES DERNIERS JOURS

Ione frissonna. Le noir rideau se referma sur cette fantasmagorie, et Arbacès lui-même, le vivant Arbacès, tomba aux pieds d’Ione.

« Ô Ione ! dit-il en la contemplant avec passion ; écoute un homme qui depuis longtemps lutte avec son amour. Je t’adore. Les destins ne sauraient mentir… Tu seras à moi. J’ai parcouru le monde entier, etje n’ai trouvé personne qui t’égalât. Dès ma jeunesse j’ai soupiré après un être comme toi. Je n’ai fait que rêver jusqu’au jour où je t’ai rencontrée ; je me réveille, et je te vois ! Ne te détourne pas de moi, Ione, ne me regarde plus comme tu m’as regardé : je ne suis pas cet être froid, insensible, morose, que j’ai dû te paraître ; jamais femme n’eut un amant si dévoué, si passionné que je le suis et que je le serai toujours pour Ione. Ne cherche pas à arracher ta main de mon étreinte… Vois, je la laisse libre. Retire-la si tu veux, soit ; mais ne me repousse pas légèrement. Juge de ton pouvoir sur celui que tu as pu transformer à ce point : moi qui ne me suis jamais agenouillé devant un être mortel, je suis à tes pieds ; moi qui ai commandé au sort, j’attends le mien de ta bouche ; Arbacès n’aura pas d’autre ambition que celle de t’obéir ; il y mettra son orgueil. Ione, tourne les yeux de mon côté, éclaire-moi de ton sourire. Mon âme est sombre lorsque ta figure se cache à ma vue ; brille donc, ô mon soleil, mon ciel, la lumière de mes jours !… Ione Ione ne rejette pas mon amour. »

Seule, et au pouvoir de cet homme singulier et redoutable, Ione n’éprouvait pas pourtant de terreur. Son langage respectueux, la douceur de sa voix la rassurèrent : elle se sentait d’ailleurs protégée par sa propre pureté, mais elle était confuse, étonnée : il lui fallut quelques moments pour qu’elle pût retrouver ses idées et répondre.

« Levez-vous, Arbacès, dit-elle enfin ; et elle se résigna à lui tendre la main, qu’elle retira promptement, du reste, lorsqu’elle y sentit la pression ardente de ses lèvres ; si ce que vous me dites est sérieux, si votre langage est vrai…

S’il est vrai ! reprit-il avec tendresse.

— C’est bien. Écoutez-moi donc. Vous avez été mon tuteur, mon ami, mon conseiller ; je ne suis pas préparée au nouveau caractère sous lequel vous vous montrez à moi. Ne pensez pas, ajouta-t-elle vivement en voyant l’éclair d’une sombre passion traverser ses yeux, ne pensez pas que je méprise votre amour… que je n’en suis pas touchée… que je ne me