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DE POMPÉI

d’eux. À mesure que chaque objet se détachait de l’obscurité, Ione s’apercevait qu’elle était dans un appartement de moyenne grandeur, et tendu de noir de tous les côtés. Des draperies de la même couleur recouvraient le lit préparé pour qu’on pût s’y asseoir. Au centre de la chambre se dressait un petit autel avec un trépied de bronze. D’un côté une haute colonne de granit était surmontée d’une tête colossale en marbre noir, dont la couronne d’épis de blé fit reconnaître à Ione la grande déesse égyptienne. Arbacès se tenait devant l’autel, sur lequel il avait déposé sa guirlande. Il semblait occupé à verser dans le trépied une liqueur renfermée dans un vase de cuivre. Tout à coup s’élança du trépied une flamme bleue, vive et irrégulière. L’Égyptien revint près d’Ione et prononça quelques paroles dans un langage étranger. Le rideau placé derrière l’autel s’agita confusément ; il s’ouvrit avec lenteur, et par cette ouverture Ione aperçut vaguement un paysage qui, à mesure qu’elle regardait, accusait des formes plus distinctes. Elle découvrit clairement des arbres, des rivières, des prairies, et la plus magnifique variété de la plus opulente campagne. Enfin, devant le paysage, une ombre glissa et s’arrêta devant elle ; le chârme qui agissait sur le reste de la scène sembla agir également sur cette ombre : elle s’anima, prit un corps, et Ione reconnut ses propres traits et toute sa personne dans ce fantôme.

Alors le paysage du fond s’évanouit et fit place à la représentation d’un riche palais. Un trône était au milieu de la salle ; autour du trône étaient rangées des formes d’esclaves et de gardes, et une main pâle soutenait au-dessus du trône l’apparence d’un diadème.

Un nouvel acteur apparut : il était vêtu de la tête aux pieds d’une robe noire ; sa figure était cachée. Il s’agenouilla aux pieds de l’ombrè d’Ione ; il lui prit la main, il montra le.trône, comme s’il l’engageait à s’y aller asseoir.

Le cœur de la Napolitaine battait violemment.

« Voulez-vous que l’ombre se fasse connaître ? demanda Arbacès, qui était à côté d’elle.

— Oh ! oui, » murmura doucement Ione.

Arbacès leva la main… Le fantôme sembla écarter le manteau qui le couvrait, et Ione frémit… C’était Arbacès lui-même qui était à genoux devant elle.

« Voilà ta destinée, murmura de nouveau lavoix de l’Égyptien à son oreille. Tu seras la femme d’Arbacès. »