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LES DERNIERS JOURS

préparé pour vous, si vous désirez voir ces ombres jouer leurs rôles… »

La Napolitaine trembla ; elle pensa à Glaucus, et soupira en frissonnant. Leurs destinées devaient-elles être unies ? Moitié incrédule et moitié convaincue, frappée pour ainsi dire de respect et d’effroi en écoutant son hôte étrange, elle resta un moment silencieuse, puis répondit :

« Cela peut révolter, cela peut terrifier. La connaissance de l’avenir doit, en tout cas, empoisonner le présent.

— Non, Ione ; j’ai moi-même jeté les yeux sur votre avenir, et les ombres qui représentent vos destinées habitent les jardins de l’Élysée. Au milieu des asphodèles et des roses, ils préparent pour votre front de douces guirlandes ; et le sort, si dur pour tant d’autres, ne vous tisse que des jours de bonheur et d’amour. Voulez-vous me suivre et voir ce qui vous est réservé, afin de jouir d’avance de votre félicité ? »

Le cœur d’Ione murmura de nouveau : Glaucus ! Elle laissa deviner un consentement presque imperceptible. L’Égyptien se leva en la prenant par la main, la conduisit à travers la salle du banquet : les rideaux s’ouvrirent comme par magie, et la musique fit entendre des sons plus joyeux et plus marqués. Ils passèrent entre des rangées de colonnes, aux deux côtés desquelles deux fontaines répandaient les eaux les plus parfumées. Ils descendirent dans le jardin par un large et facile escalier. La soirée commençait, la lune s’élevait déjà dans lescieux, et les douces fleursqui dorment le jour et mêlent aux brises de la nuit d’ineffables odeurs, croissaient dans les allées ombreuses légèrement éclairées, ou bien, rassemblées en corbeilles, étaient placées, comme des offrandes, aux pieds des nombreuses statues qu’ils rencontraient à chaque pas.

« Où me conduisez-vous, Arbacès ? demanda Ione avec un peu d’étonnement.

— Ici près, répondit-il en désignant un petit édifice en perspective, à ce temple consacré aux Destinées… Nos rites exigent un terrain consacré. »

Ils entrèrent dans une étroite salle au bout de laquelle était suspendu un rideau noir. Arbacès l’écarta. Ione et lui se trouvèrent dans l’obscurité.

« Ne vous alarmez pas, dit l’Égyptien ; la lumière ne tardera pas à briller.

» Pendant qu’il parlait, une lueur douce, et qui communiquait une agréable chaleur, se répandit insensiblement autour