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LES DERNIERS JOURS

Il y avait quelque chose de si franc et de si charmant dans les manières et dans les paroles d’Ione, que l’Égyptien n’en devint que plus épris d’elle, et plus disposé à renouveler le tort qu’il venait de commettre. Cependant, il répondit légèrement et gaiement, et se hâta de continuer la conversation sur d’autres sujets.

Il la conduisit à travers les différentes chambres de sa maison, qui paraissaient aux yeux d’Ione, accoutumés seulement aux élégances modérées des villes de la Campanie, contenir les richesses du monde.

Des peintures d’un art achevé ornaient les murs ; des lumières éclairaient des statues des plus beaux temps de la Grèce. Des armoires pleines de bijoux (chaque armoire travaillée elle-même comme un bijou) remplissaient les intervalles des colonnes. Les bois les plus précieux couronnaient les seuils et fermaient les portes ; l’or et les joyaux abondaient de tous côtés. Quelquefois Arbacès et Ione étaient seuls dans ces chambres ; quelquefois ils passaient au milieu d’une haie d’esclaves, qui s’agenouillaient lorsqu’elle s’approchait, et lui présentaient des bracelets, des chaînes, des diamants, que l’Égyptien s’efforçait en vain de lui faire accepter.

« J’ai souvent entendu dire, reprit-elle avec étonnement, que vous étiez riche ; mais j’étais loin de me douter de la valeur de vos trésors.

— Je voudrais les faire fondre en une seule couronne pour la placer sur votre tête, répliqua l’Égyptien.

— Hélas ! ce poids m’écraserait ; je serais une seconde Tarpeïa, répondit Ione en riant.

— Mais vous ne dédaignez pas les richesses, Ione ? Ceux qui ne sont pas riches ne connaissent pas ce que la vie renferme de bonheur. L’or est le grand magicien de la terre… il réalise nos songes… il nous donne le pouvoir d’un dieu… Il y a de la grandeur, de la sublimité, dans sa possession… C’est le plus puissant et le plus obéissant de nos esclaves. »

L’artificieux Arbacès espérait éblouir la jeune Napolitaine par ses trésors et par son éloquence ; il essayait d’éveiller en elle le désir d’être la souveraine de tout ce qu’elle voyait ; il se flattait qu’elle confondrait le possesseur avec les possessions, et que les charmes de son opulence se réfléchiraient sur lui-même. Mais Ione était secrètement mécontente des éloges qui sortaient de ces lèvres, jusqu’alors peu accoutumées, en apparence, à payer un tribut à la beauté. Avec