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DE POMPÉI

les astres : ils lui prédisaient depuis longtemps, pour cette année, et pour le mois actuel, une catastrophe qui menacerait sa vie elle-même. Cette date certaine, inévitable, le forçait à agir : il était donc décidé, comme un monarque, à entasser sur son bûcher tout ce que son âme avait de plus cher. Comme il le disait, s’il devait mourir, il voulait avoir vécu, et qu’Ione fût à lui.


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CHAPITRE IX.

Ce que devient Ione dans la maison d’Arbacès. — Premier signe de la rage du terrible Ennemi.


Lorsqu’Ione entra dans la vaste salle de l’Égyptien, l’effroi qui avait agité le cœur de son frère s’empara du sien ; il lui sembla, comme à lui, qu’il y avait quelque chose de mauvais augure, et qui lui criait de prendre garde, dans les figures tristes de ces monstres thébains, dont le marbre rendait si bien les traits majestueux et sans passion :


Leurs yeux, des temps anciens exprimaient la pensée ;
L’éternité semblait en eux s’être fixée.


Le grand esclave éthiopien sourit en lui ouvrant la porte, et marcha devant elle pour la conduire. Elle était à peine au milieu le la salle, qu’Arbaoès s’avança en habits de fête étincelants de pierreries. Quoiqu’il fît grand jour au dehors, la maision, selon la coutume des voluptueux, était plongée dans une demi-obscurité, et des lampes jetaient une lumière odorante sur les riches pavés et sur les plafonds d’ivoire.

« Belle Ione, dit Arbacès en s’inclinant pour toucher sa main, c’est vous qui avez éclipsé le jour ; ce sont vos yeux qui éclairent cette salle ; c’est votre haleine qui la remplit de parfums.

— Vous ne devriez pas me parler ainsi, dit Ione en souriant ; vous n’ignorez pas que votre sagesse a suffisamment instruit mon âme pour la mettre au-dessus de ces trop gracieux éloges ; ils me déplaisent ; c’est vous qui m’avez appris à mépriser l’adulation. Voulez-vous donc faire oublier vos leçons à votre pupille ? »