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DE POMPÉI

royaux, et se montrait toujours empressé d’attirer dans le corps de leurs prêtres des personnes riches et influentes. Les vœux prononcés, la profession faite, il choisissait pour compagnons de ses plaisirs ses victimes elles-mêmes, en partie pour s’assurer le secret, en partie pour se conserver à lui-même son propre pouvoir. Ces motifs avaient dirigé sa conduite à l’égard d’Apœcides, non moins que sa passion pour Ione.

Il n’avait guère habité longtemps le même lieu ; mais, à mesure qu’il avançait en âge, il se fatiguait de changer de scène, et il était demeuré dans les délicieuses cités de la Campanie, plus qu’il n’avait coutume de le faire ailleurs, et de manière à s’étonner lui-même. À parler franchement, son orgueil mettait en quelque sorte une limite au choix de sa résidence. Ses conspirations malheureuses lui interdisaient ces brûlantes contrées qu’il regardait comme ses possessions héréditaires, contrées abattues et humiliées où planait l’aigle romaine. Rome était un objet d’indignation pour son âme pleine de haine ; il n’aimait pas à voir les courtisans rivaliser d’opulence avec lui, et ses richesses prendre un air de pauvreté en présence des magnificences qui entouraient les empereurs. Les villes de la Campanie lui offraient tout ce que sa nature désirait, la luxuriance d’un climat sans égal, et tous les raffinements d’une voluptueuse civilisation. Il n’avait pas sous les yeux de fortunes supérieures à la sienne ; il dépassait les riches en richesses ; les espions d’une cour jalouse ne le surveillaient pas ; tant qu’il demeurerait riche, sa conduite resterait à l’abri de toute recherche. Il continuerait son sombre chemin sans trouble et sans inquiétude.

C’est un malheur des êtres abandonnés aux plaisirs, de ne connaître l’amour que lorsque leurs sens commencent à s’émousser ; leur jeunesse s’épuise en désirs sans nombre, leurs cœurs sont bientôt blasés. Ainsi, toujours à la poursuite de l’ameur, et sollicité peut-être par une imagination sans repos à s’en exagérer les charmes, l’Égyptien avait dépensé toute la fougue de sa jeunesse sans atteindre l’objet de ses rêves. A la beauté du jour succédait la beauté du lendemain, et l’ombre du bonheur l’entraînait plutôt que le bonheur lui-même. Lorsque, deux années avant l’époque où nous sommes, il avait vu Ione, il avait rencontré pour la première fois celle qu’il aurait pu aimer. Il se trouvait, alors, à ce moment de la vie où l’homme aperçoit distinctement derrière lui sa jeunesse