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LES DERNIERS JOURS

passions qui ne pouvaient trouver d’issue dans les affaires ou dans l’ambition. Voyageant de climats en climats, et trouvant Rome partout, il voyait s’accroître de plus en plus sa haine contre la société et son amour pour le plaisir. Le monde était pour lui une vaste prison qu’il lui était loisible de remplir des ministres de ses voluptés. Cette prison, il n’en pouvait sortir ; mais il pouvait lui donner au moins l’apparence d’un palais. Les Égyptiens, dès les premiers temps, s’étaient livrés aux plaisirs des sens ; Arbacès avait hérité de leurs appétits sensuels, et de cette vive imagination qui sait faire jaillir la flamme même de la débauche. Mais toujours ardent dans ses plaisirs aussi bien que dans ses études, et ne supportant ni supérieur ni égal, il n’admettait guère à ses orgies d’autres compagnons que des esclaves. il était le maître solitaire d’un nombreux harem ; et, malgré cela, il se sentait condamné à cette satiété qui est le malheur inévitable des hommes dont l’intelligence surpasse les moyens d’action ; et ce qui avait été autrefois l’impulsion de la passion, était devenu une froide habitude. Désabusé des sens, il cherchait à s’élever à la culture de la science ; mais, comme son dessein n’était pas de servir l’humanité, il méprisait tout ce qui était utile et pratique. Sa sombre imagination ne s’exerçait que sur des choses chimériques et obscures, qui font la joie des esprits pervers et solitaires, et auxquelles il était poussé par l’orgueil de son caractère et par les traditions mystérieuses de sa patrie. Rejetant la croyance des confuses religions du monde païen, il mettait toute sa foi dans la puissance de la sagesse ; il ignorait (tout le monde l’ignorait peut-être comme lui alors) les bornes que la nature impose à nos découvertes S’apercevant que plus nos connaissances s’élèvent, plus nous voyons de merveilles, il se figurait que non-seulement la nature accomplit des miracles quotidiens, mais qu’elle pouvait, par la force cabalistique de quelques esprits supérieurs, être détournée de son cours. Il poursuivait ainsi les sciences au delà des limites du possible, dans le champ de l’invisible et de l’infini. Les vérités de l’astronomie l’avaient conduit aux rêveries imaginaires de l’astrologie ; les expériences de la chimie l’avaient poussé dans le labyrinthe de la magie ; et lui, qui se montrait sceptique quand il s’agissait du pouvoir des dieux, il était crédule et superstitieux dès qu’il était question du pouvoir des hommes.

L’étude de la magie, à laquelle s’appliquaient dans ce siècle