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DE POMPÉI

L’esclave, étonné et grommelant, jeta autour de lui ses yeux appesantis, et devant un des autels, dont les débris des offrandes remplissaient encore l’étroit espace, aperçut quelqu’un dans l’attitude de la méditation.

« Je vois une figure, dit-il, et, si j’en juge par ses vêtements lancs, ce doit être un prêtre.

— Ô flamine d’Isis ! cria Nydia, serviteur de la plus ancienne léesse, écoute-moi !

— Qui m’appelle ? dit une voix faible et mélancolique.

— Une personne qui a des choses importantes à révéler à un membre de votre corps ; je viens faire une déclaration et non demander des oracles.

— À qui voulez-vous parler ? L’heure n’est pas bien choisie pour une conférence ; partez, ne me troublez pas. La nuit est consacrée aux dieux, le jour aux hommes.

— Il me semble que je connais ta voix. Tu es celui que je cherche. Cependant je ne t’ai entendu parler qu’une fois. N’es-tu pas le prêtre Apœcides ?

— Je le suis, répliqua le prêtre, quittant l’autel et s’approchant de la grille.

— C’est toi ? les dieux en soient loués ! » Étendant la main vers l’esclave, elle lui fit signe de s’éloigner ; et lui, qui pensait naturellement que quelque superstition, dans l’intérêt de la sûreté d’Ione, avait seule pu la conduire au temple, obéit et s’assit par terre à quelque distance. « Chut ! dit-elle ; parle promptement et bas. Es-tu en effet Apœcides ?

— Puisque tu me connais, tu n’as qu’à te rappeler mes traits.

— Je suis aveugle, répondit Nydia ; mes yeux sont dans mes oreilles, ce sont elles qui te reconnaissent. Jure-moi que tu es celui que je cherche.

— Je le jure parles dieux, par ma main droite et parlalune.

— Chut ! parle bas… Penche-toi… Donne-moi ta main. Connais-tu Arbacès ?… As-tu déposé des fleurs aux pieds de la mort ?… Ah ! ta main est froide… Écoute encore… As-tu prononcé le terrible vœu ?

— Qui es-tu ? D’où viens-tu, pâle jeune fille ? dit Apœcides avec anxiété. Je ne te connais pas. Ce n’est pas sur ton sein que ma tête s’est reposée. Je ne t’ai jamais vue avant ce moment.

— Mais tu as entendu ma voix : n’importe ! ces souvenirs nous feraient rougir l’un et l’autre. Écoute ; tu as une sœur ?

— Parle ! parle ! que lui est-il arrivé ?