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LES DERNIERS JOURS

riche, a été assez fou, soit dit entre nous, pour se faire prêtre d’Isis.

— Un prêtre d’Isis, ô dieux ! Son nom ?

— Apœcides !

— Je sais tout, murmura Nydia : frère et sœur sont à la fois victimes. Apœcides, oui, c’est le nom que j’ai entendu chez… Ah ! il comprendra alors le péril où se trouve sa sœur ; jeveux aller le trouver. »

Elle se leva, en prenant le bâton sur lequel elle s’appuyait, et se rendit aussitôt au temple voisin d’Isis. Jusqu’à ce qu’elle eût été sous la garde du généreux Grec, ce bâton avait suffi aux pas de la pauvre fille aveugle pour traverser Pompéi d’un bout à l’autre. Chaque rue, chaque détour, lui étaient familiers dans les quartiers les plus fréquentés ; et, comme leshabitants éprouvaient une vénération tendre et à demi superstitieuse pour les personnes frappées de cécité, les passants se dérangeaient toujours pour la laisser suivre sa route. Pauvre fille ! elle était loin de se douter que son malheur deviendrait sa protection, et la garantirait plus sûrement que les yeux les plus clairvoyants.

Mais depuis qu’elle était entrée chez Glaucus, il avait ordonné à un esclave de l’accompagner partout ; celui à qui cette mission était échue, fort gros et fort gras, après être allé deux fois à la maison d’Ione, ne paraissait pas très-satisfait d’être condamné à une troisième excursion (sans savoir seulement où ils allaient) ; mais il s’empressa de la suivre, tout en déplorant son sort, et en jurant solennellement, par Castor et par Pollux, qu’il croyait que la fille aveugle avait les ailes de Mercure, non moins que le bandeau de Cupidon.

Nydia ne réclama qu’à peine son assistance pour arriver, malgré la foule, au temple d’Isis. L’espace qui s’étendait devant le temple était en ce moment désert, et elle parvint sans obstacle jusqu’à la grille sacrée.

« Il n’y a personne ici, dit le gros esclave. Que veux-tu ? qui demandes-tu ? Ne sais-tu pas que les prêtres ne demeurent pas dans leur temple ?

— Appelle, dit-elle avec impatience. Nuit et jour il doit y avoir au moins un flamine à veiller devant l’autel d’Isis. »

L’esclave appela. Aucun prêtre ne parut.

« Ne vois-tu personne ?

— Personne.

— Tu te trompes, j’entends un soupir ; regarde de nouveau. »