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LES DERNIERS JOURS

Ione oublia que sa compagne était aveugle ; elle rougit du front jusqu’au cou, et garda le silence.

« Je veux dire, ajouta Nydia d’une voix plus calme, que, de votre main, les mots les plus légèrement empreints de froideur l’attristeront, et que la marque la plus faible de tendresse le remplira de joie. Si c’est de la froideur, que l’esclave emporte la réponse. Si vous lui marquez de l’intérêt, laissez-moi m’en charger… Je reviendrai ce soir.

— Pourquoi donc, Nydia, dit Ione d’une façon évasive, voudrais-tu porter cette lettre ?

— Alors je le vois, votre tendresse a parlé, dit Nydia. Comment en pourrait-il être autrement ? Qui donc se montrerait insensible pour Glaucus

— Mon enfant, dit Ione avec un peu plus de réserve, tu parles avec chaleur ! Glaucus est donc bien aimable pour toi ?

— Noble Ione, Glaucus a été pour moi ce que ni la fortune ni les dieux n’ont été. un ami. »

La tristesse mêlée de dignité avec laquelle Nydia prononça ces simples mots, toucha profondément la belle Ione. Elle se pencha vers elle et l’embrassa.

« Tu es reconnaissante, dit-elle, et à bon droit. Pourquoi rougirais-tu de dire que Glaucus est digne de ta gratitude ? Va, ma Nydia, porte-lui toi-même cette lettre, mais reviens chez moi. Si je ne suis pas dans ma demeure à ton retour, comme cela peut arriver ce soir, ta chambre sera préparée près de la mienne. Nydia, je n’ai pas de sœur, veux-tu être la mienne ?

La Thessalienne baisa la main d’Ione, et lui dit avec un peu d’embarras :

« Une faveur, belle Ione : puis-je implorer de vous une faveur ?

— Tu ne me demanderas rien que je ne veuille t’accorder, répliqua la Napolitaine.

— On dit, reprit Nydia, que vous êtes belle au-dessus de toute beauté de la terre ; hélas ! je ne puis voir ce qui réjouit le monde. Voulez-vous me permettre de passer ma main sur votre visage ? C’est ma seule manière de connaître la beauté et je me trompe rarement. »

Elle n’attendit pas la réponse d’Ione, et, tout en parlant, elle passa lentement et doucement sa main sur les traits penchés et à moitié détournés de la Grecque, traits qu’une seule image dans le monde peut dépeindre et rappeler ; cette image est la statue mutilée, mais toujours merveilleuse, de sa cité