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LES DERNIERS JOURS

devant le temple de Pallas ; ne nous rencontrerons-nous pas devant un plus doux et plus ancien autel ?

« Ô belle et adorée Ione, si l’ardeur de ma jeunesse et mon sang athénien m’ont entraîné, m’ont égaré, ce n’a été queil pour m’apprendre, dans mes courses vagabondes, à apprécier le repos, le port que j’ai atteint. Je suspends mes vêtements mouillés à l’autel du dieu des mers ; j’ai échappé au naufrage. Je t’ai trouvée, toi : Ione, daigne me voir. Tu es aimable pour les étrangers ; auras-tu moins de compassion pour tes compatriotes ? J’attends ta réponse. Accepte les fleurs que je t’envoie. Leur douce haleine a un langage plus éloquent que le mots ; elles empruntent au ciel les odeurs qu’elles nous rendent ; elles sont les images de l’amour qui reçoit et qui paye dix fois plus qu’il ne reçoit. Elles sont l’emblème du cœur quel tes rayons ont traversé et qui te doit le germe de ses trésors ; daigne leur sourire. Je t’envoie ces fleurs par une personne que tu recevras pour l’amour d’elle-même, si ce n’est pour l’amour de moi. Comme nous elle est étrangère ; les cendres de ses pères reposent sous des cieux plus brillants ; mais, moins heureuse que nous, elle est aveugle et esclave. Pauvre Nydia ! Je cherche autant que possible à réparer pour elle les torts de la nature et du destin, en te demandant la permission de la placer près de toi. Elle est habile musicienne, elle chante bien, et c’est une vraie Chloris pour les fleurs. Elle pense, Ione, que vous l’aimerez ; sinon, renvoyez-la-moi.

« Un mot encore : pardonnez mon audace, Ione. D’où vient votre haute estime pour votre sombre Égyptien ? son air n’est pas d’un honnête homme. Nous autres Grecs, dès le berceau, nous connaissons les hommes ; nous sommes profonds aussi sans affecter un maintien austère. Le sourire est à nos lèvres, mais nos yeux sont graves : ils observent, ils notent, ils étudient. Arbacès n’est pas un homme auquel, on puisse se fier. Peut-être est-ce lui qui m’a calomnié dans ton esprit. Je le pense, parce que je l’ai laissé avec toi. Tu as vu comme ma présence l’a surpris. Depuis ce moment, tu ne m’as plus admis dans ta maison. Ne crois rien de ce qu’il est capable de te dire contre moi. Si tu le crois, dis-le-moi, au moins. Ione doit cela à Glaucus. Adieu. Cette lettre touche ta main, ces caractères rencontrent tes yeux ; faut-il qu’ils soient plus heureux que leur auteur ? Encore une fois, adieu. »


Il sembla à Ione, pendant qu’elle lut cette lettre, qu’un