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DE POMPÉI

vous expliquera peut-être, ajouta-t-elle, pourquoi celui qui m’envoie a choisi une messagère si peu digne d’Ione. »

La Napolitaine prit la lettre d’une main si tremblante, que Nydia en sentit le frémissement et qu’elle en soupira. Les bras croisés et la tête inclinée, elle se tenait debout devant l’orgueilleuse et majestueuse Ione, non moins fière, peut-être, dans son attitude de soumission. Ione d’un geste éloigna sa suivante ; elle jeta un nouveau regard sur la jeune et belle esclave, un regard de surprise et de compassion ; puis, s’écartant un peu d’elle, elle ouvrit et lutcette lettre :


« Glaucus écrit à Ione ce qu’il n’ose lui dire. Ione est-elle malade ? ses esclaves assurent que non, et cette assurance me console. Glaucus a-t-il offensé Ione ?… Ah ! cette question je ne puis la leur adresser ! Voilà cinq jours que je suis banni de ta présence !… Le soleil a-t-il paru ? je n’en sais rien. Les cieux ont-ils souri ? ils n’ont pas eu, du moins, de sourire pour moi. Mon soleil et mes cieux, c’est Ione. Est-ce que je t’ai offensée ? suis-je trop audacieux ? ces tablettes oseront-elles exprimer ce que ma langue a craint de dire ?… Hélas ! c’est dans ton absence que je comprends surtout les enchantements par lesquels tu m’as soumis. L’absence, qui me prive de joie, me donne du courage. Tu ne veux pas me voir ; tu as banni également les flatteurs qui ont l’habitude de t’environner. Peux-tu me confondre avec eux ?… Ce n’est pas possible. Tu sais trop bien que je n’ai rien de commun avec eux, que nous ne sommes pas pétris de la même argile. Quand je serais encore formé d’un plus humble limon, le parfum de la rose m’a pénétré, et l’esprit de ta nature a passé en moi, pour m’embaumer, me purifier, m’inspirer. Ai-je été calomnié auprès de toi, loue ? Tu ne croirais pas la calomnie. L’oracle de Delphes lui-même me dirait que tu es une créature indigne de mon hommage, je ne le croirais pas, et je suis moins incrédule que toi. Je pense à la dernière fois où nous nous sommes vus, à ce chant que je t’ai chanté, à ce regard que tu m’as accordé en retour. Dissimule-le autant que tu le voudras, Ione, il y a quelque intimité entre nous, et nos yeux l’ont avoué, si nos lèvres ont gardé le silence : laisse-moi te voir, écoute-moi, et, après cela, chasse-moi pour toujours si tu le veux. Je n’avais pas dessein de t’avouer si tôt mon amour, mais ces mots sortent malgré moi de mon cœur… Je ne puis les arrêter. Accepte donc mon cœur et mes vœux. Nous nous sommes rencontrés