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DE POMPÉI

accent de la tendresse chez un autre ne faisait que la révolter et l’effrayer. Cependant elle ne pensa pas qu’une passion plus ardente que ce platonisme exprimé par Arbacès se cachât sous les paroles. Elle crut qu’il ne parlait, en effet, que de l’affection et de la sympathie de l’âme ; mais n’était-ce pas précisément cette affection et cette sympathie qui avaient eu une part dans les émotions qu’elle avait ressenties pour Glaucus ? t quel autre pouvait,après lui, espérer d’approcher du sanctuaire de son cœur ?

Désirant changer la conversation, elle poursuivit d’un ton froid et d’une voix indifférente :

« Qui que ce soit qu’Arbacès honore du sentiment de son estime, il est naturel que sa sagesse élevée colore ce sentiment de ses propres nuances ; il est naturel que cette amitié soit plus pure que celle des autres, dont il ne daigne pas partager les occupations ni les erreurs. Mais dites-moi, Arbacès, avez-vous vu mon frère, depuis quelque temps ? Il y a plusieurs jours qu’il ne m’a rendu visite, et, la dernière fois que j’ai causé avec lui, ses manières m’ont troublée et alarmée beaucoup. Je crajns qu’il ne se soit trop pressé d’adopter une profession sévère, et qu’il ne se repente de s’être avancé sans pouvoir revenir sur ses pas.

— Rassurez-vous, Ione, reprit l’Égyptien ; il a été effectivement troublé, et d’un esprit chagrin pendant quelque temps ; il a été assiégé de ces doutes qui tourmentent les caractères ardents et incertains comme le sien, passant dans leurs vibrations perpétuelles de l’enthousiasme à l’abattement. Mais lui, Ione, lui est venu à moi dans son anxiété et dans sa tristesse ; il a pensé à celui qui l’aimait et pouvait le consoler. J’ai calmé son esprit. J’ai écarté ses doutes. Du seuil de la sagesse, je l’ai fait entrer dans son temple ; et, devant la majesté de la déesse, son âme s’est relevée et adoucie. Ne craignez rien ; il ne se repentira plus. Ceux qui se fient en Arbacès ne se repentent jamais qu’un instant.

— Vous me faites grand plaisir, reprit Ione. Mon cher rère, je suis si heureuse de son bonheur ! »

La conversation roula alors sur des sujets plus légers ; l’Égyptien s’exerça à plaire, il ne dédaigna pas même d’amuser. La prodigieuse variété de ses connaissances lui permettait d’orner et d’éclairer tous les sujets qu’il touchait ; et Ione, oubliant l’effet désagréable des premiers discours, se laissa entraîner, malgré sa tristesse, par la magie de cette in-