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LES DERNIERS JOURS

rompue ne pouvaient ni souiller ni obscurcir. L’amour, de tout temps, en tout lieu, trouve ainsi de la place pour ses autels d’or ; et dites-moi si, même dans les époques les plus favorables à la gloire, il y a jamais eu un triomphe plus capable d’enivrer et d’exalter que la conquête d’un noble cœur ?

Soit qu’il fût inspiré par ce sentiment ou par tout autre, Glaucus, en présence d’Ione, sentait ses idées plus rayonnantes, son âme plus active, et en quelque sorte plus visible ; s’il était naturel qu’il l’aimât, il n’était pas moins naturel qu’elle le payât de retour. Jeune, brillant, éloquent, amoureux, et Athénien, il était pour elle comme une incarnation de la poésie du pays de ses ancêtres. Ce n’étaient plus les créatures d’un monde dont les combats et les chagrins sont les éléments ; c’étaient des choses légères que la nature semblait avoir pris plaisir à créer pour ses jours de fête, tant leur jeunesse, leur beauté, leur amour, possédaient de fraîcheur et d’éclat. Ils semblaient hors de leur place au milieu de cette terre rude et commune ; ils appartenaient à l’âge de Saturne et aux songes des demi-dieux et des nymphes. C’était comme si la poésie de la vie se recueillait et se nourrissait en eux-mêmes, comme si dans leurs cœurs se concentraient les derniers rayons du soleil de Délos et de la Grèce.

Mais si elle montrait de l’indépendance dans le choix de son genre de vie, son modeste orgueil demeurait vigilant en proportion et s’alarmait aisément. Les mensonges de l’Égyptien avaient été inspirés par une profonde connaissance de la nature d’Ione. Son récit de la grossièreté, de l’indélicatesse de Glaucus, l’avait blessée au vif : elle le ressentit comme un reproche à son caractère et à sa façon de vivre, et surtout comme une punition de son amour. Elle comprit pour la première fois combien elle avait cédé vite à cette passion ; elle rougit d’une faiblesse dont elle commençait à apercevoir l’étendue ; elle s’imagina que c’était cette faiblesse qui avait produit le mépris chez Glaucus ; elle endura le malle plus cruel des nobles natures… l’humiliation. Cependant son amour n’était peut-être pas moins alarmé que son orgueil ; si un instant elle murmurait des reproches contre Glaucus, si elle renonçait à lui, et le haïssait presque, un moment après elle versait des larmes passionnées, son cœur cédait à sa tendresse, et elle disait avec l’amertume de l’angoisse : « Il me méprise ; il ne m’aime pas. »

Aussitôt après le départ de l’Égyptien, elle s’était retirée dans