Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée
104
LES DERNIERS JOURS

Nydia se laissa retomber avec un profond soupir, et s’attacha de nouveau à la robe de son protecteur.

« Imbéciles ! dit Claudius d’un ton important. Vous devez faire cela pour moi. Allons, l’homme et la femme, si vous m’offensez, votre état est perdu. Burbo n’est-il pas le client de mon cousin Pansa ? Ne suis-je pas l’oracle de l’amphithéâtre et de ses champions ? Je n’ai qu’à dire un mot pour que vous brisiez toutes vos cruches : vous ne vendrez plus rien. Glaucus, l’esclave est à vous. »

Burbo, évidemment embarrassé, grattait sa large tête.

« La fille vaut son pesant d’or pour moi, dit-il.

— Dites votre prix ; je suis riche, » répondit Glaucus.

Les anciens Italiens étaient comme les modernes ; il n’y avait rien qu’ils ne fussent prêts à vendre, à plus forte raison une pauvre fille aveugle.

« J’ai payé six sestertia pour elle, elle en vaut douze maintenant, murmura Stratonice.

— Je vous en donne vingt ; accompagnez-moi chez les magistrats, et de là à ma demeure, où vous recevrez votre argent.

— Je n’aurais pas vendu cette chère enfant pour cent, dit Burbo adroitement ; je ne vous la cède que pour faire plaisir au noble Claudius. Vous me recommanderez à Pansa pour la place de désignator à l’amphithéâtre, noble Claudius ! elle me conviendrait beaucoup.

— Vous l’aurez, » dit Claudius, en ajoutant avec un sourire : « Ce Grec peut faire votre fortune ; l’argent coule dans ses doigts comme l’eau dans un crible : marquez le jour avec de la craie, mon Priam.

An dabis ? dit Glaucus, employant la formule habituelle des ventes et des achats.

Dabitur, répondit Burbo.

— Alors, alors, je vais aller avec vous… avec vous. Ô quel bonheur ! murmura Nydia.

— Oui, ma belle, et ta tâche la plus rude sera désormais de chanter les hymnes de la Grèce à la plus aimable dame de Pompéi. »

La jeune fille se dégagea de son étreinte ; un changement s’opéra sur ses traits si pleins de joie tout à l’heure ; elle soupira profondément, et prenant encore une fois sa main, elle dit :

« Je croyais que j’allais chez vous.

— Oui, pour le moment… Viens… Nous perdons du temps. »