Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée
99
DE POMPÉI



_____________________________


CHAPITRE III.

Glaucus fait un marché qui plus tard lui coûte cher.


« Holà, mes braves compagnons, dit Lépidus en baissant la tête pour entrer par la porte basse de la maison de Burbo ; nous sommes venus voir qui de vous fera plus d’honneur à notre lanista.

» Les gladiateurs se levèrent de la table avec respect en voyant entrer trois jeunes gens connus pour être des meilleurs vivants et des plus riches de Pompéi, et dont les voix dispensaient la réputation à l’amphithéâtre.

« Quels beaux animaux ! dit Claudius à Glaucus ; vraiment dignes d’être gladiateurs !

— C’est une pitié qu’ils ne soient pas soldats, » dit Glaucus. C’était une chose singulière, de voir l’efféminé et l’ennuyé Lépidus, que, dans un banquet, un rayon de lumière semblait aveugler, que, dans un bain, le moindre courant d’air semblait anéantir, en qui tout instinct naturel paraissait perverti, devenu en quelque sorte une créature équivoque et artificielle ; c’était une singulière chose, disons-nous, de le voir à cette heure, tout empressé, tout énergique, tout vivant, tâterles vastes épaules des gladiateurs d’une main blanche, féminine, éprouver d’une touche légère leurs muscles de fer, en un mot, plein d’admiration pour cette force qu’il avait passé toute sa vie à détruire en lui.

C’est ainsi que nous avons vu, de nos jours, les fashionables sans barbe des salons de Londres tourner autour des héros de Fivescourt. C’est ainsi que nous les avons vus souvent contempler, admirer ces hommes en calculant un pari. C’est ainsi que nous avons trouvé réunis, dans un assemblage plaisant et triste, les deux extrêmes de la société civilisée, les patrons du plaisir et ses esclaves ; les plus vils de ses esclaves, à la fois féroces et mercenaires, prostitués mâles, qui vendent leurs forces comme les femmes leur beauté ; bêtes brutes dans leurs actes, mais plus que des bêtes dans le motif qui les fait agir : car les autres, du moins, ne se dévorent pas pour de l’argent.