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LES DERNIERS JOURS

aveugle dont les yeux sont si brillants ? Il y a longtemps que je ne l’ai vue.

— Oh ! elle est trop délicate pour vous, mes fils de Neptune, répondit l’hôtesse, et même pour nous. Nous l’envoyons vendre des fleurs en ville et chanter des chansons aux dames. Elle nous gagne plus d’argent ainsi qu’elle ne ferait en demeurant à vous servir. En outre, elle a d’autres emplois qui restent sous la rose[1].

— D’autres emplois ! dit Niger ; mais elle est trop jeune pour d’autres emplois.

— Silence, brute ! dit Stratonice. Vous ne croyez pas qu’il y ait d’autre jeu que celui de Corinthe. Quand Nydia aurait deux fois l’âge qu’elle a à présent, elle serait également digne de Vesta… la pauvre enfant !

— Mais écoutez, Stratonice, dit Lydon. Comment vous est venue cette esclave si jeune et si gentille ?… Il conviendrait mieux qu’elle fût la suivante d’une riche matrone de Rome que la vôtre.

— C’est vrai, répondit Stratonice, et quelque jour je compte faire ma fortune en la vendant. Vous me demandez comment Nydia nous est venue ?

— Oui.

— Eh bien ! tenez, mon esclave Staphyla… vous vous rappelez Staphyla, Niger ?

— Parfaitement. Une fille aux larges mains, avec une figure dans le genre d’un masque comique, comment l’oublierais-je ? par Pluton, dont elle est probablement la servante à cette heure !

— Paix, butor ! Staphyla mourut un jour, et ce fut une grande perte pour moi ; et j’allai au marché pour acheter une autre esclave. Mais, par les dieux ! elles étaient devenues si chères depuis que j’avais acheté Staphyla, et l’argent était si rare, que je me disposais à quitter la place avec un vrai désespoir, lorsqu’un marchand m’attira par la robe. « Maîtresse, dit-il, veux-tu acheter une esclave à bon marché ? J’ai une enfantà vendre ; un marché d’or ! Elle est très-petite, toute jeune encore, c’est vrai ; mais elle est vive et douce, docile et adroite ; elle chante bien, et elle est de bonne race, je t’assure. — De quelle contrée est-elle ? dis-je. — De Thessalie. » Je savais que les Thessaliennes étaient avisées et gentilles ; je

  1. Sub rosà (dans le mystère).