Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée
90
LES DERNIERS JOURS

que Stratonice se recula avec effroi ; car elle n’employait pas d’autre mode de combattre que celle que nous avons appelée pugilat.

« Ô dieux ! s’écria-t-elle, le misérable ! il a des armes cachées ! Est-ce de bonne guerre ? Est-ce là agir en galant homme et en gladiateur ? Non, certes, et de tels compagnons ne sont pas faits pour moi. »

Elle tourna le dos au gladiateur avec dédain, et s’empressa d’examiner l’état de son mari.

Mais celui-ci, aussi accoutumé à cet exercice naturel qu’un bouledogue anglais à se battre avec un antagoniste inférieur, s’était déjà remis. La pourpre ajoutée au cramoisi de ses joues par la lutte s’éteignit un peu ; les veines de son front se dégonflèrent et reprirent leur surface ordinaire. Il se secoua avec un grognement de satisfaction, heureux de se sentir encore vivant, et en regardant son adversaire de la tête aux pieds, avec un air plus approbatif qu’il ne l’avait encore fait :

« Par Castor, dit-il, tu es un gaillard plus vigoureux que je ne le croyais. Je vois que tu es un homme de mérite et de vertu ; donne-moi la main, mon héros !

— Très-bien, vieux Burbo ! s’écrièrent les gladiateurs en applaudissant ; très-bien, solide compagnon ! Donne-lui ta main, Lydon.

— Avec plaisir, dit le gladiateur ; mais à présent que j’ai goûté de son sang, j’ai envie d’en boire encore.

— Par Hercule, répliqua l’hôte sans s’émouvoir, excellente idée de gladiateur. Pollux ! ce que c’est qu’une bonne éducation ! Une bête sauvage n’aurait pas plus de férocité.

— Une bête sauvage, idiot ! est-ce que nous ne les battons pas, les bêtes sauvages ? cria Tetraidès.

— C’est bien, c’est bien, dit Stratonice, qui était occupée à réparer le désordre de ses cheveux et de sa toilette ; si vous êtes bons amis maintenant, je vous recommande de vous tenir en paix et convenablement : car quelques jeunes patriciens, vos patrons et parieurs, ont envoyé dire qu’ils viendraient vous faire visite ; ils désirent vous voir plus à leur aise qu’ils ne vous voient aux écoles, avant de régler leur enjeu pour le grand combat de l’amphithéâtre. Ils recherchent toujours ma maison pour ces affaires-là. Ils savent bien que nous ne recevons que les meilleurs gladiateurs dePompéi, société choisie, grâces aux dieux !