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DE POMPÉI

jusqu’alors dans une chambre de derrière. Cette nouvelle alliée aurait pu toute seule lutter contre le gladiateur. Elle était de haute taille, maigre, et elle avait des bras qui pouvaient donner autre chose que de doux embrassements. En effet, la gracieuse compagne de Burbo le marchand de vin avait comme lui combattu dans le cirque, et même sous les yeux de l’empereur. Burbo l’invincible, Burbo, dit-on, cédait quelquefois la palme à sa douce Stratonice. Cette aimable créature ne vit pas plus tôt l’imminent péril où se trouvait son époux, que, sans autres armes que celles que la nature lui avait accordées, elle se précipita sur le gladiateur, et, le saisissant par le milieu du corps de ses bras longs et pareils à deux serpents, elle le souleva audessus de l’aubergiste, ne lui laissant que les mains encore attachées au cou de son ennemi. C’est ainsi que nous voyons parfois un chien enlevé par les pattes de derrière, par quelque domestique envieux, dans une lutte où il a terrassé son adversaire ; une moitié de l’animal demeure suspendue dans les airs, passive et inoffensive, tandis que l’autre moitié, tête, dents, yeux et griffes, semble ensevelie et engloutie dans les chairs palpitantes du vaincu. Pendant ce temps-là, les gladiateurs élevés et nourris dans le sang, qu’ils suçaient en quelque sorte avec plaisir, entourèrent joyeusement les combattants. Leurs narines s’ouvrirent, leurs lèvres ricanèrent, leurs yeux se fixèrent avidement sur la gorge saignante de l’un et sur les griffes dentelées de l’autre.

« Habet (il a son compte), habet, s’écrièrent-ils avec une espèce de hurlement, et en frottant leurs mains nerveuses les unes contre les autres.

Non habeo, menteurs (non, je ne l’ai pas, mon compte), cria l’hôte en se délivrant par un puissant effort des mains terribles de Lydon, et, en se dressant sur ses pieds, respirant à peine, déchiré, sanglant, il grinça des dents et jeta un regard d’abord voilé, puis enflammé de courroux, sur son adversaire, qui se débattait (non pas sans mépris) entre les mains de la fière amazone.

— Beau jeu, s’écrièrent les gladiateurs, un contre un ! » et entourant Lydon et la femme, ils séparèrent l’hôte aimable de son gracieux habitué.

Mais Lydon, rougissant de sa position, et essayant en vain de se débarrasser de l’étreinte de la virago, mit la main à sa ceinture et en tira un petit couteau. Son regard était si menaçant, et la lame du couteau était si brillante,