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ni m’enrichir de vos malheurs. Cependant, si vous avez sujet d’être animés contre les auteurs de vos maux, n’est-il pas naturel que vous regardiez comme de bons citoyens ceux qui ne vous firent aucun mal ? Je crois avoir donné d’assez bons garans de ce que je puis être dans la démocratie. Moi donc qui ne commis aucune faute lorsqu’il m’étoit si facile d’en commettre, à plus forte raison, sans doute, m’efforcerai-je maintenant d’être un citoyen vertueux, persuadé que si je venois à prévariquer, je ne tarderois pas d’en être puni. Mais enfin, & tels seront toujours mes principes, dans l’état oligarchique je n’enviai jamais le bien d’autrui ; dans le démocratique, je prodiguai le mien pour vous avec ardeur. Or il me semble que ce ne sont pas ceux qui ont échappé aux persécutions de l’oligarchie, qui doivent encourir votre haine & votre indignation, mais les persécuteurs du peuple ; il me semble que vous devez regarder comme ennemis non ceux qui ne furent pas exilés, mais ceux qui vous chasserent de votre patrie ; non ceux qui se montrerent jaloux de retenir leur fortune, mais ceux qui ravirent celle des autres ; non ceux qui resterent dans la ville pour leur propre conservation, mais ceux qui prirent part aux affaires avec le dessein formé d’opprimer l’innocence. Si vous vous arrogez l’injuste droit de perdre les citoyens qu’épargnerent les tyrans, que deviendront la plupart de nous ?