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îles épouvantées fuyaient toutes à l’approche de Latone.

Elle voulait aborder à Co, séjour antique des sujets de Mérops, retraite sacrée de Chalciope ; mais Phébus lui-même l’en détourna. « Ô ma mère, lui dit-il, ce n’est point là que tu dois m’enfanter : non que je dédaigne ou méprise cette île ; je sais qu’elle est plus qu’aucune autre fertile en pâturages et féconde en moissons. Mais les Parques lui réservent un autre dieu, fils glorieux des Sauveurs[1], qui aura les vertus de son père et verra l’un et l’autre continent, avec les îles que la mer baigne du couchant à l’aurore, se ranger sans peine sous le sceptre macédonien[2]. Un jour viendra qu’il aura, comme moi, de terribles assauts à soutenir, lorsque empruntant le fer des Celtes et le cimeterre des Barbares, de nouveaux Titans[3], aussi nombreux que les flocons de la neige ou que les astres qui peuplent un ciel serein, fondront des extrémités de l’occident sur la Grèce. Ah ! combien gémiront les cités et les forts des Locriens, les roches de Delphes, les vallons de Crissa et les villes d’alentour, quand chacun apprendra l’arrivée de ces fiers ennemis, non par les cris de ses voisins, mais en voyant ses propres moissons dévastées par le feu ; quand, du haut de mon temple, on apercevra leurs phalanges, et qu’ils déposeront auprès de mon trépied leurs épées sacrilèges, leurs larges baudriers et leurs boucliers épouvantables, qui toutefois serviront mal cette race insensée de Gaulois, puisqu’une partie de ces armes me sera consacrée, et que le reste, sur les bords du Nil, après avoir vu ceux qui les portaient expirer dans les flammes, sera le prix des travaux d’un prince infatigable ! Tel est mon oracle, ô Ptolémée ! et

  1. Le poëte désigne ainsi Ptolémée Philadelphe, fils de Ptolémée Soler et Bérénice, que les Égyptiens avaient mis l’un et l’autre au rang des dieux sauveurs. Ce prince était né dans l’île de Co.
  2. Ptolémée Philadelphe, étant petit-fils de Lagus, était Macédonien d’origine.
  3. Il parle des Gaulois et leur invasion en Grèce.