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rampe encore sur les rives de Plistus[1], et de ses replis tortueux embrasse neuf fois le Parnasse que couvrent les neiges. Toutefois je te le prédis ici plus clairement que du pied de mon laurier : fuis ; mais bientôt je t’atteindrai ; bientôt je laverai mes traits dans ton sang ; garde, garde les enfants d’une femme orgueilleuse[2] : ni toi, ni le Cithéron ne nourriront point mon enfance. Phébus est saint ; c’est aux saints à lui donner un asile. »

Il dit, et Latone retourna sur ses pas ; mais les villes d’Achaïe, mais Hélice, l’amie de Neptune, et Bure[3], retraite des troupeaux de Dexamène, le fils d’Oïcée, l’avaient déjà repoussée : elle s’avança vers la Thessalie. Vain espoir ! le fleuve Anaurus, la ville de Larisse, les antres du Pélion, tout s’enfuit, et le Pénée précipita son cours au travers des vallons de Tempé.

Cependant ton cœur, ô Junon ! était encore inflexible. Déesse inexorable, tu la vis sans pitié étendre ses bras et former vainement ces prières : « Nymphes de Thessalie, filles du Pénée, dites à votre père de ralentir son cours impétueux ; embrassez ses genoux, conjurez-le de recevoir dans ses eaux les enfants de Jupiter. Ô Pénée ! pourquoi veux-tu l’emporter sur les vents ? Ô mon père ! tu ne disputes point le prix de la course ! Es-tu donc toujours aussi rapide, ou ne le deviens-tu que pour moi ? Et n’est-ce qu’aujourd’hui que tu trouves des ailes ?… Hélas ! il est sourd… Fardeau que je ne puis plus soutenir, où pourrai-je vous déposer ! Et toi, lit nuptial de Philyre, ô Pélion ! attends-moi donc, attends ; les lionnes mêmes n’ont-elles pas cent fois enfanté leurs cruels lionceaux dans tes antres ? »

Le Pénée, l’œil humide de pleurs, lui répond : « La Né-

  1. Fleuve de la Phocide, qui coulait au bas du mont Parnasse.
  2. Il désigne ainsi la fameuse Niobé et ses enfants.
  3. Hélice et Bure étaient deux villes de l’Achaïe, qui furent englouties par la mer vers la deux centième olympiade, environ 370 ans avant l’ère chrétienne.