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lui avaient fabriqué les Telchines, sapa les montagnes, les arracha de leurs fondements, et les faisant rouler dans la mer, en forma les premières îles ? Dirai-je qu’il les fixa toutes dans l’abîme par de profondes racines pour leur faire oublier le continent, tandis que toi, libre et sans contrainte, tu nageais sur les eaux ? Tu t’appelais d’abord Astérie, parce que jadis, telle qu’un astre rapide, tu t’étais élancée du ciel au fond de la mer pour échapper aux poursuites du dieu de l’Olympe ; et jusqu’au temps où l’aimable Latone se réfugia dans ton sein, tu n’avais point porté d’autre nom. Souvent le nocher qui, du port de Trézène[1] faisait voile pour Éphyre[2], t’apercevait dans le golfe saronique[3] ; et souvent il te cherchait vainement au retour : une course légère t’avait portée vers le détroit où mugissent les flots resserrés de l’Euripe ; d’où quelquefois, dans le même jour, dédaignant la mer de Chalcis, tu avais nagé soit jusqu’aux rochers de Sunium, soit jusqu’aux bords de Chio, soit enfin jusqu’aux bords de l’humide Parthénie, dans cette plage où les nymphes de Mycale, du royaume d’Ancée, t’ont cent fois donné l’hospitalité. Mais après que toi seule eus reçu Phébus à sa naissance, les nautoniers te donnèrent le nom de Délos, parce que tu cessas de disparaître à leurs yeux et que tu fixas tes racines au milieu des flots égéens.

Tu ne craignis donc point la colère de Junon ? Son terrible courroux éclatait contre toutes les maîtresses qui donnaient des enfants à Jupiter, mais surtout contre Latone, à qui le Destin promettait un fils que son père devait préférer à Mars même. Furieuse et transportée de rage, elle-même repoussait du ciel cette nymphe en tra-

  1. J’ai cru devoir adopter la correction proposée par M. Runhckenius, qui pense qu’il faudrait lire alixantoio au lieu de apo Xanthoio, l’histoire ni la fable ne faisant mention d’aucun prince ou héros du nom de Xanthus parmi ceux qui ont illustré la ville de Trézène.
  2. Ancien nom de la ville de Corinthe.
  3. Ainsi nommé, dit la fable, parce qu’un roi de Trézène, appelé Saron, s’y était précipité dans un accès de fureur.