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Puisse, ô déesse redoutable ! puisse l’homme que j’aime ressentir ainsi tes faveurs ! Que je les éprouve aussi moi-même ! que l’art des vers me soit toujours cher ! je chanterai Latone et son hymen, je chanterai Phébus, je chanterai mille fois tes louanges, tes nombreux travaux, tes chiens, tes flèches et le char rapide qui te ramène pompeusement au palais de Jupiter. Là Mercure et Phébus accourent au devant de toi, Mercure pour prendre tes armes, Phébus pour recevoir les monstres que tes traits ont terrassés : tel était du moins son emploi avant que le valeureux Alcide fût admis dans les cieux. Car aujourd’hui ton frère est déchargé de ce soin, puisque l’infatigable dieu de Tirynthe, toujours aux portes de l’Olympe, attend avec impatience l’instant où tu lui rapportes quelques nouveaux mets. Tous les dieux, et surtout sa marâtre, en éclatent de rire, chaque fois qu’enlevant de ton char et tirant par les pieds quelque énorme taureau, ou quelque sanglier encore palpitant, il cherche à t’encourager par ce discours adroit : « Courage, ô déesse ! fais tomber sous tes coups les animaux féroces. Mérite que les mortels t’appellent, ainsi que moi, leur divinité protectrice. Permets aux lièvres, aux daims d’errer sur les montagnes. Quel mal font aux hommes et les daims et les lièvres ? Ce sont les sangliers qui dévastent leurs vergers et leurs champs ; ce sont les taureaux sauvages dont ils craignent la rage. Frappe les sangliers et les taureaux. » Il dit, et se jette aussitôt sur le monstre que tu lui rapportes ; car la flamme qui consuma sa dépouille mortelle sur les monts de Trachine ne l’a point délivré de sa faim dévorante ; il en ressent encore les ardeurs comme au jour qu’il rencontra le roi des Dryopes. Cependant les filles de l’Amnisus détellent et lavent tes biches, leur apportent de l’eau dans des vases d’or pour se désaltérer à leur gré, et répandent abondamment devant elles cette herbe céleste, prompte à se reproduire, qu’on moissonne dans les prairies de Junon et qui nourrit aussi les cour-