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tu en pris quatre à la course et les destinas à traîner ton char ; mais la cinquième (ainsi que le voulut Junon, qui la réservait pour servir un jour au dernier des travaux d’Hercule) passa le fleuve de Céladon[1] et se réfugia sur le mont Cérynien[2].

Ô Diane ! ô déesse toujours vierge ! déesse qui tuas Tityus, ton armure, ta ceinture et ton char étaient d’or ; tu donnas aussi des freins d’or à ces biches. Mais en quels lieux menas-tu d’abord ce char triomphant[3] ? en Thrace, sur le mont Aémus, d’où l’orageux Borée nous envoie les tristes frimas. Où coupas-tu des branches de pin ? sur l’Olympe de Mysie. À quels feux allumas-tu ces nouveaux flambeaux ? aux feux inextinguibles dont la foudre de ton père étincelle. Combien de fois éprouvas-tu tes flèches ? tu les essayas d’abord sur un orme, ensuite sur un chêne, puis sur un monstre des forêts, enfin, non plus sur un arbre, mais sur une ville coupable, où l’on avait cent fois outragé la nature et l’hospitalité.

Malheur à ceux que poursuit ton courroux ! leurs troupeaux sont dévorés par la peste et leurs champs dévastés par la grêle. Au déclin de leur âge, ils pleurent sur leurs fils morts avant eux ; et les femmes, frappées de mort aux jours de l’enfantement, ou n’accouchant que dans les horreurs de la guerre, n’élèvent jamais leurs enfants[4]. Heureux au contraire le mortel à qui tu souris ! ses sillons engraissés se couvrent d’épis, ses taureaux se multiplient, sa richesse augmente, et la tombe ne s’ouvre sous ses pas qu’au bout d’une longue et paisible carrière. La Discorde, qui renverse les plus solides maisons, ne déchire point sa famille, et chez lui la belle-mère et la bru s’assoient toujours à la même table.

  1. Fleuve d’Arcadie.
  2. Montagne d’Arcadie.
  3. Littéralement : « Attelé d’animaux à cornes. »
  4. L’expression grecque est bien plus poétique : « Aucun de leurs enfants ne se dresse sur ses jambes. »